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musset

Publié le par Za

«… mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière et on se dit : j'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.»

Alfred de Musset

On ne badine pas avec l'amour

 

agache-l-enigme.jpg

 

L'énigme

Alfred Agache

1888

Musée des Beaux-Arts de Rouen

Publié dans in my heart

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les piqués de Peake # 1

Publié le par Za

Apparemment, l'admiration pour Mervyn Peake est une maladie incurable... Incurable et contagieuse. Les symptômes en sont aisément reconnaissables. Le sujet atteint devient intarissable dès qu'on évoque l'objet de son engouement et met un point d'honneur à diffuser son syndrome. De plus, il développe une certaine obsession pour des éditions anglaises passablement introuvables, qu'il nommera "mes présssieux" en vous regardant bizarrement si vous tendez la main vers l'objet en question...

Pour le reste, le patient se montrera plutôt courtois, ôtera fort civilement l'entonnoir qui lui tient lieu de couvre-chef, camouflera maladroitement les ailes qui ont poussé dans son dos, lâchera sa bouteille de rhum et engagera volontiers la conversation, pour peu que vous ayez l'après-midi entier à lui consacrer..

 Avouons-le, bien qu'assez atteinte, je suis plutôt néophyte sur le sujet, quoique prosélyte, comme tout nouveau converti. Le piqué de Peake est une engeance peu commune sous nos climats. Alors lorsqu'on en croise un, illustrateur et auteur de surcroît, et qu'il répond au nom de Philippe-Henri Turin, on ne le laisse pas s'échapper sans l'avoir laissé exprimer son admiration. J'ai dans mon cabas quelques dessins de Peake; le dessinateur de Charles en a choisi deux et a accepté d'abandonner un instant son dragonnet pour nous parler de l'art de Mervyn Peake.


" Parler de Peake pour moi, c’est comme parler de mon amour des pirates. L’Alice de Lewis Carroll m’a fait découvrir cet artiste, ses pirates m’ont confirmé que je l’aimerai toute ma vie. Pourquoi donc, me direz-vous? Parce que les pirates… LES PIRATES !

J’ai une fascination pour ces personnages terrifiants et libres, sanguinaires et rêveurs, utopistes et carnassiers, criminels et victimes… C’est sans doute la raison qui m’a poussé à imaginer des récits les mettant en scène, Les aventures de Warf le pirate. J’ai même co-écrit avec un camarade une BD, encore inédite, dans laquelle intervient notre personnage de Warf le pirate. Enfant, ce dernier avait, entre autres, deux serviteurs nommés Lip et Kip. Je les ai nommés ainsi en hommage à deux de mes artistes préférés, Howard PYLE (Lip) et Mervyn PEAKE (Kip). Il serait trop long de parler de l’influence de Pyle sur la représentation du pirate. Il suffit de dire qu’elle est primordiale. Regardez ces peintures puis les films de piraterie d'Hollywood. C’est la même vision. Pyle a influencé durablement notre imaginaire même si nous l’ignorons.

 

pyle

Howard Pyle, Book of Pirates


De son côté, et nous arrivons enfin au cœur du sujet, Mervyn Peake a souvent joué avec ces affreux forbans. Même son premier album pour les enfants est un livre sur la piraterie: Captain slaughterboard drops anchor (capitaine Massacrabord). Dans un autre style, plus enlevé, sont ces dessins fait pour ses deux fils, réunis dans le livre The Sunday books.

 

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Mais surtout, il y a sa vision de l’Île au trésor, de Jim Hawkins et de Long John Silver, d’Israel Hands et de Ben Gunn, sa vision d’un des livres les plus connus au monde, le premier ouvrage de fiction d’un auteur extraordinaire, Robert Louis Stevenson.

Contrebandiers de Moonfleet 1955 Moonfleet 4   Il est très amusant de constater que les pirates ont aussi été le premier sujet ou un des sujets d’autres auteurs tels John Steinbeck avec son somptueux roman d’aventure La coupe d’Or, ou John Meade Falkner avec l’unique et inoubliable Moonfleet, l’équivalent de l’Île au trésor, étonnamment peu mis en image, mais lui ayant bénéficié, au contraire de l’Île au trésor, d’une adaptation cinématographique géniale due à Fritz Lang, même si ce dernier l’a reniée. Un chef d’œuvre absolu, le plus beau film de pirates, une atmosphère lourde et ténébreuse, des personnages lumineux et diaboliques… Bref vous aurez compris que j’adore ce film.

Stewart Granger y est royalement attirant et spectaculairement terrifiant. Quant à la couleur… Un CHEF D’OEUVRE.

 

Les pirates: un sujet qui m’a passionné de longues années. Pour lequel j’ai lu tellement d’ouvrages romanesques et documentaires. Les textes du “Captain Johnson” (alias Daniel Defoe) sont à cet égard indispensables. Et la vérité sur ces gens de sac et de corde est tellement éloignée de la vision romanesque ou picturale habituelle. Mais tout ceci ne m’empêche pas d’aimer les peintures de Pyle, de Wyeth ou de Schoonover, ainsi que les différentes visions de l’Île au trésor, surtout celle de Peake que je préfère par dessus tout, même si j’admire ce que Ralph Steadman a fait de ce texte.

 

Dans la version donnée par Mervyn Peake, il n’y a pas une image que je déteste. Son travail de hachure donne à l’ouvrage un côté suranné comme si ces dessins étaient tout droit sortie d’un coffre abandonné trouvé sur le trésor amassé par Ben Gunn au fond de la grotte. Ces dessins n’auraient-ils pas été faits sur le vif par un des membres de l’équipage de Flint ou de l’Hispaniola? On peut le croire tant ils ont l’air jetés et pourtant travaillés par une main légère et précise. Les gueules de ses personnages sont tellement … vraies. Ils ont dû respirer l’air iodé du grand large et leurs yeux ont dû voir tant d’abordages dantesques.

Il suffit de regarder le portrait de Long John Silver qui est extrait du dernier tiers du livre. Il est fini le temps où Long John subjuguait le jeune Hawkins. Le gamin a peur. Il est attaché et mené comme un chien par le terrible pirate et ses sbires vers la tombe contenant soi-disant le fabuleux trésor de Flint.

Pour comprendre le génie de Peake, il suffit de regarder les différentes représentations de cette scène par les illustrateurs qui se sont succédés au fil des années. La plupart ont dessiné cette séquence vue de loin avec tous les protagonistes ou du moins les deux principaux.

  Peake, lui, choisit de ne montrer que Silver, son expression d’homme décidé, de bête traquée, menacée par la voix de Gunn qu’il croit sortie de l’enfer et par ses hommes qui le menacent de mort si le trésor leur échappe. La tâche noire lui a été donné quelques heures plus tôt dans le fortin abandonné. Il protège le jeune garçon tout en le “martyrisant”. Regardez cet homme à qui il manque une jambe. Qui voudrait le rencontrer au détour d’une ruelle? Son unique jambe devrait être un handicap mais Peake nous le montre presque invulnérable en ne dessinant que son torse de loup de mer. Rien ne pourrait arrêter sa course vers le trésor. Son âme s’est enflammée. Seul l’or pourra la calmer. Une oblique puissante, une corde tendue. On suppose que le jeune Hawkins refuse d’avancer. Le maître-coq s’appuie lourdement sur sa béquille. On ne voit pas qu’il n’a qu’une seule jambe. On le sait mais on ne fait que l’imaginer. Il ne reste dans cette image que la force, la rage (regardez ses yeux!).

 

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Et ses cheveux. Ils ont l’air d’être l’émanation de ses pensées un peu folles. C’est une de mes illustrations préférées. Quelques traits et voilà ce qu’un grand artiste peut créer. Point besoin de couleur, de scène spectaculaire, de décor grandiose (seulement une forêt suggérée). Tout le contraire de ce que je dessine. C’est sans doute la raison qui fait que je l’aime tant. L’attirance des contraires. 

 

Une autre illustration extraite de cet ouvrage me plaît particulièrement: la chute d’Israel Hands. Une chute qui semble ne jamais finir, une chute éternelle, la chute de l’ange déchu, de l’homme devenu un démon, dont on sait pourtant qu’elle s’achèvera inéluctablement par l’engloutissement éternel du corps dans les flots et sa disparition totale.

Israel Hands: Voilà, un personnage fabuleux dont le nom est sorti du livre du Captain Johnson / Daniel Defoe. Defoe a compilé, répertorié, amplifié les exploits pour la plupart véridiques des pirates de son temps. Il y a aussi ajouté les minutes des procès, le nom des membres de certains équipages et dans l’un d’eux, celui du trop fameux Edward Teach dit Barbe-Noire, apparaît le sieur Israel Hands le second de l’équipage, un des rares graciés qui a sauvé sa peau en témoignant contre les fonctionnaires corrompus de l’état de Caroline du Nord.

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Regardez-le tomber! Où et quand s’arrêtera-t-il? Nul ne le sait. Peut-être même pas Jim Hawkins qui dans ses rêves de vieillard, dans son lit, devait le voir encore chuter inexorablement, après qu’il lui eut tiré une balle pour sauver sa vie. C’est un corps mou qui semble suivre les vents, comme une feuille d’automne… En effet, Peake aurait pu se contenter de dessiner le corps sans rien autour et pourtant il a tracé des centaines de lignes, de courbes, qui semblent porter cet homme terrifiant, l’entraîner vers sa tombe. Elles ont un effet hypnotique sur moi. Le vide prend vie, attire, entraîne…

Un travail admirable. Très peu spectaculaire mais totalement extraordinaire.

Voilà ce que j’aime chez ce dessinateur. Chez cet auteur. Ainsi que la beauté de ses noirs et blancs. Cette façon de dessiner les plis des vêtements, de poser des ombres, de laisser vivre les lumières. J’ai beaucoup appris en regardant son travail même si ce que je fais à l’air d’être loin, très très loin de tout ça. Je peux regarder le travail de cet artiste génial des heures sans jamais me lasser. Son travail est dans la droite ligne des maîtres. Il est un maître lui-même, pour ma part.

 

Quant à Za, qui m’a demandé: Dans une autre vie, si ton karma le permet, aimerais-tu être réincarné en illustrateur anglais ? Qu'est-ce qui, selon toi, en fait des illustrateurs hors pair, qu'est-ce qui te pousse vers ce style-là...” – je ne saurais répondre à une telle question. Tout d’abord parce que je ne crois en rien. Pas de Karma ou de paradis, juste une étincelle d’éternité sur cette terre et puis plus rien.

Il se trouve que je suis français, avec des références picturales françaises mais un amour pour cette île et ses habitants. J’ignore ce qui fait leur spécificité. Pourquoi un grand nombre des plus grands livres pour enfants (excepté Pinocchio) sont britanniques, pourquoi mes goûts me portent vers Mervyn Peake, Arthur Rackham,  Quentin Blake, Ralph Steadman, Inga Moore, Tony Ross, Ronald Searle, Wayne Anderson… Je ne saurais le dire. Je les aime, c’est tout. Je n’ai pas assez d’intelligence pour analyser et comprendre. Je fais pareil quand je dessine. Je dessine, je n’analyse pas. Un bon “crétin” de base… En revanche, je sais que j’aimerais particulièrement voir mes petits dessins de dragons traverser la Manche et amuser les enfants britanniques. Malheureusement ce marché reste très fermé.

Voilà j’espère que mes quelques mots vous auront donné envie de regarder plus attentivement le travail de Mervyn Peake, de vous plonger dans ses livres d’illustrations, ses poésies et ses romans, tout est bon à prendre. Et j’envie ceux qui sont sur le point de le découvrir.

 

Bien à vous,

Philippe-Henri Turin "

Mon cabas et moi te remercions infiniment !

 

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   Philippe-Henri Turin est l'illustrateur et parfois l'auteur de...

Les Ogres, Charles à l'école des dragons, l'Endroit rêvé, Warf le pirate, La Bombarde...

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le dragon d'eau

Publié le par Za

2012 est l'année du dragon, mais pas n'importe quel dragon : le dragon d'eau. Ce n'est pas rien. Et ceux qui fréquentent assidûment mon cabas, savent qu'ici, le dragon est une question sérieuse. Histoire de commencer dignement cette année, je vous propose un nouveau genre d'article : l'article participatif. Un mystérieux (et royal) visiteur a déposé un texte dans le cabas. Je vous le propose. À vous de l'agrémenter de tout ce qui vous passe par le crayon : dessins* (oh oui, oh oui, oh oui ! ), textes, remarques, exclamations !  Je mettrai cet article à jour au fur et à mesure...

 

* pour les dessins, envoyez-les moi par mail, je suis moi-même en train de bidouiller un truc... si, si...


article relayé sur le blog de Mira

 

Si je savais dessiner, je ferais bien un petit dragon d'eau.

Et après, je continuerais avec un dragon raie.

Et puis un dragon mie (sans croûte)

Un dragon fat (bien enrobé)

Un dragon sole (faut pas le confondre avec le dragon raie)

Un dragon là (oui, ici, pas ailleurs)

et pour terminer, bien sûr, un dragon scie.

Notons bien que la plupart savent nager

 

sauf le dragon mie qui redoute particulièrement l'humidité.

Ça ferait une belle gamme de dragons, non ?

 

The King of Water Dragons

 

Quelques heures plus tard...  

Il ne sera pas dit que j'aurais laissé la première contribution à quelqu'un d'autre ! Alors, n'écoutant que mon inconscience courage, je me suis lancée. Voici mon dragon do d'eau !

dragon d'eau198

 

Le lendemain...

Cette histoire de dragon-sole me turlupinait. È qui il drago sole ! 

 

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Bon, je crois qu'il n'y a que moi qui joue...

Alors je continue avec un dragon las...

 

dragon las 2216

Le 1er février...

Il fallait pas m'encourager.

Voici un dragon à si assis et de dos !

 

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le 5 février

Voici le dragon-mi, enfin le dragon-Mee de ma chère Marie-France ! Une petite Mee aux prises avec une bête terrifiante !

 

D Mee 1

 

... et mon dragon empoté du dimanche, emmêlé dans la portée...

 

dragon-emmele212.jpg

 

le 8 février, nouvelle contribution de Mira : le dragon-mie !

Lu dans un très ancien grimoire...

"Le Dragon qu'en se levant, Jeannette vit près du four, n'est pas de ceux qui dévorent les hommes. Non pas, car ils se forment en un jour et leur pâte levée, d'un peu d'eau , d'un peu de blé n'est pas dure comme la peau de leurs cousins que l'on voit voler dans la vallée.( dans l'avaler? là, j'arrive pas bien à lire...)
Ils ne vivent qu'un jour, se font dévorer et de leur plaie coule de la confiture. Et ce jour-là, on raconte que Jeannette, la frêle, la douce, la petite Jeannette... n'en fit qu'une bouchée."

 

d-Mie-2.JPG

 

le 17 février

Et de deux !

Le premier pour faire plaisir à Messire le King of water dragons, le fat dragon de son texte !

 

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Le second tourne autour d'un jeu de mot un peu pourave, que dis-je, d'un vague à-peu-près... Faites-moi plaisir, faites comme si vous n'aviez pas remarqué cette astuce un peu fénéante et terriblement approximative, mais qui a l'avantage de clore la gamme...

 

dragon-mi-re220.jpg

 

 

Comme ça, en passant, ceci est mon 250ème article !

Publié dans mes petites bêtises

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le monstre des toilettes

Publié le par Za

Encore un ovni tout droit sorti de l'Atelier du Poisson Soluble !

 

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Inquiétants, ces ongles, cet oeil, non ? Car il y a un monstre dans les toilettes, je ne vous apprends rien. Un monstre grimaçant et espiègle, glouton, griffu, vraiment pas joli, pas le genre auquel on s'attache. Ce farfadet ricaneur n'est pas sympathique, c'est une vraie terreur, embusquée dans un endroit quotidien dont on fait habituellement peu de cas, sauf lorsqu'on est petit et que c'est par là aussi que passe le sentiment d'avoir grandi ou l'envie de ne pas grandir.

 

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Pas de faux-semblants, donc, ce monstre règne dans un royaume sous-terrain inextricable, tout de plomberie sombre et gargouillante. Comment s'en débarrasser devient alors une question cruciale, une question de survie : donner à manger ou être mangé. J'aime assez la conclusion de cet album, où l'on voit de quelle mauvaise foi l'adulte peut faire preuve lorsqu'il est confronté à un phénomène qui le dépasse visiblement... A ceci près que la sortie du cauchemar demande le sacrifice d'un petit jouet de 7,5 centimètres de haut, aux mains en forme de crochet. Je crois que c'est ça qui m'a achevée. Tout mais pas ça !

 

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Vous l'avez compris, ce diablotin m'a inquiétée pour de vrai, car il est très réussi. Petitou a lu l'album tranquilou sans froncer plus que ça du sourcil. Il l'a beaucoup aimé et relu plusieurs fois. Serai-je plus impressionnable que lui ? Quand on le connaît, on sait que ce n'est pas possible...

 

Le monstre des toilettes ressemble à un film muet : les images en noir et blanc de Sara Pegorier, soigneusement cadrées et encadrées, cette manière d'intégrer le texte sous l'image, comme  les cartons des films sans paroles. Et un petit air Art nouveau tout à fait bienvenu a fini de confirmer cette impression. Ce premier album est une vraie réussite ! 

 

Le monstre des toilettes

Saralisa Pegorier

l'Atelier du poisson soluble

octobre 2011

 

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la boulangerie de la rue des dimanches

Publié le par Za

Attention, ce livre est hautement subversif ! Il véhicule en effet une idéologie dangereuse qu'il serait judicieux de ne le réserver qu'à des lecteurs avisés.

 

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Jack Talboni est le fils d'Adèle Pelviaire et de Louis Talboni, deux musiciens sans le sou qui élèvent leur enfant dans la pauvreté et l'amour. Et dans la musique, aussi. Les quatre saisons de Vivaldi. Curieuses saisons, transposées dans une hasardeuse version pour tuba et flûte traversière...

 

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Six ans plus tard, Adèle et Louis étaient encore plus pauvres. Ils n'avaient plus que les mouches à manger.

L'été : Vivaldi et mouches fraîches.

L'hiver : mouches sèches et Vivaldi sous les combles glacés.

Mais, couvé entre les quatre murs de sa soupente cloquée, tendrement chéri par ses deux parents mélomanes, le petit Jack ignorait ce qu'était ma misère, puisqu'il ignorait ce qu'était la richesse.

Tous les jours, avec Papa et  Maman, c'était dimanche, tant il est vrai qu'Amour et Musique savent reboucher bien des trous, et panser bien des plaies.

 

Ces deux-là finissent par se consumer assez rapidement, et Jack atterrit dans un orphelinat, prouvant par là-même que, franchement, quand on est pauvre, ce n'est pas très malin, d'être, en plus, musicien. À moins que ce ne soit l'inverse.

 

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Jack Talboni ne suit pas les traces de ses parents, même s'il conserve précieusement leurs instruments et que bon sang ne saurait mentir. Il devient boulanger-pâtissier. Enfin, il apprend à faire les baguettes pas trop cuites et les religieuses au chocolat. Je dois avouer que c'est ce dernier point qui m'a donné envie de lire ce roman. Connaissez-vous rien de plus beau, de plus parfait qu'une (excellente) religieuse au chocolat ?

 

Et c'est là que l'histoire exemplaire de ce jeune homme méritant dérape. Car la suite du livre tendrait à prouver qu'on peut vivre un éternel dimanche, de délices oisifs en promenades ensoleillées, comme ça, gratuitement. Pour le plaisir, sans contrepartie vénale. On croit rêver...

 

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Tout le monde réapprit à tout le monde ce qu'était le dimanche, car les lundis passant, on avait presque oublié : pas de réveil, on traîne au lit le matin, on joue sous la couette à pince-mi à pince-moi, on va chercher sa baguette et sa religieuse chez Talboni, puis on se donne un tas d'occupation récréatives pour chasser le spleen en baillant et se détendre les mollets.

Autant dire, au fond, qu'avec un peu d'application et de concentration, ça ne fut pas un effort si violent.

 

Une réjouissante utopie que peu de candidats à la présidence de la République oseraient afficher à leur programme. Je suis d'ailleurs prête à apporter mon soutien au premier qui le ferait.

J'ai déjà l'accessoire idéal...

 

KIF 5049

religieuse196-copie-1..accessoire discret, certes,

   mais je n'ai pas encore osé tricoter celui-là...


Je ne saurais trop recommander aux gourmands que vous êtes l'écriture délicieuse d'Alexis Galmot, ses personnages doucement dingues dont le charme ne devrait plus vous quitter. Et que dire des fragiles et savoureuses illustrations de Till Charlier, dans une palette aux accents sépia, au charme incontestable...

 

Dans une interview pour Le choix des libraires, Alexis Galmot associait son roman à cette chanson de Lou Reed.

 

 

 

La boulangerie de la rue des dimanche

Alexis Galmot

Till Charlier

Grasset Jeunesse

Collection Lecteurs en herbe

mai 2011

 

Bravo et merci à Grasset Jeunesse pour cette collection originale où l'on retrouve le Yark, c'est dire si j'attends les suivants avec impatience !

 

le 1er juillet 2012 : lecture commune de ce livre

sur le site coopératif

à l'ombre du grand arbre !

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fulbert la terreur

Publié le par Za

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Comment vous le trouvez, Fulbert ? Avec son petit air perdu, ses trois poils au menton, ses deux pauvres ailes, ses grosses pattes ? Si j'étais vous, je l'adopterais illico. Moi, je ne peux pas, j'ai déjà ce qu'il faut, question dragon. Mon jardin n'y suffit plus, sans parler des plaintes du voisinage... Mais Fulbert... Il est gentil comme tout, il se nourrit de peu, il ne prend presque pas de place. Il suffit de lui aménager une petite place au chaud, mais pas trop près de la maison. Parce que bon, il est tout petit, mais c'est quand même un dragon...

 

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Mais il faut que je vous prévienne... Le seul problème avec Fulbert, c'est qu'il est atteint de crises d'éternuements incontrôlables. Ce qui, chez un dragon peut conduire à bien des catastrophes, à commencer par l'agacement de ses contemporains, fâchés, allez savoir pourquoi, de voir leur environnement réduit en cendres. Et que dire du bruit, tonitruant, diurne, nocturne, en un mot intempestif... Mais ne vous inquiétez pas, le professeur Owl a trouvé la solution. Elle était si simple ! 

 

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Si vous voulez savoir ce que fait Fulbert sur ces échasses, procurez-vous ce classique de John A. Rowe. Vous ne pourrez résister à ses illustrations sur fond blanc, volontairement dépourvues de décor, concentrées sur les personnages, taupe, souris, chien, et ce drôle de professeur, mi-hibou, mi-Merlin l'enchanteur... 

 

Alors, vous l'adoptez ?

 

Fulbert la terreur

John A. Rowe

éditions Nord-Sud

2001

 

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la fin du monde en avançant

Publié le par Za

Il y a des jours embués, bouchés, où chaque acte se cogne à l'inutile, où chaque pensée se dissout d'elle-même. Généralement, c'est le dimanche. La consolation, si fugace fut-elle, est venue ce jour-là de quelques phrases. D'un rythme implacable, impeccable, de mots dont on ne peut se rassasier qu'en les lisant à voix haute.

J'ai déjà parlé ici de l'incrédulité qui me saisit à chaque lecture de Pierre Bergounioux. De ce bonheur que j'ai à y retourner, toujours. Eh bien là encore...

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Ce livre m'a été offert par une personne avec qui je "partage" Pierre Bergounioux. C'était un cadeau inattendu, il n'en est que plus précieux. Merci, encore.

 

Parmi les textes qui composent ce recueil, ceux qui m'ont touchée l'ont fait non pas tant par leur sujet que par le galop des idées et le martellement des phrases.

 

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Le bonheur, quand j'y pense, c'est sous des espèces désuètes aux couleurs fanées que je l'envisage. Lorsque je l'éprouve, si c'est bien lui, si le terme s'applique à ce que je ressens, c'est, ce serait un fugace rayon tombé du ciel couvert, une mince langue de sable au milieu du flot, une intermittence précaire dans le tumulte et le déplaisir. Le tout, longtemps, s'est tenu à l'écart de nos vies. Puis ce fut un impalpable clarté sur leur bord. Puis il a touché la terre où il s'est établi à demeure. (Des rôtis brûlés et des gâteaux mal cuits)

 

 

Nous avons peu de part à ce qui nous arrive. Nos intimes penchants et nos hantises, notre particularité, nos bizarreries, même, c'est la réalité qui nous les dicte. Ils sont l'effet induit de quelque chose qui dépasse infiniment nos courtes personnes, notre brève saison, du heurt fracassant - pour ce qui nous concerne - de l'anachronisme dont nous sommes encore dépositaires avec le présent, l'universel, la modernité. Le monde ancien s'éloigne. Ce qui s'apprête, derrière le rideau, sur la scène du troisième millénaire, je m'en moque un peu. Je suis du Pays Vert, d'un autre âge et l'on n'est qu'une fois. La suite ne m'intéresse pas. (Sur une chaîne d'attache) 

 

Parfois, la musique du texte est telle que l'on se retrouve à répéter quelques mots, pour en savourer le goût jusqu'au bout, se délecter de l'image, de l'alexandrin qui clôt le chapitre.

 

Derniers représentants d'une heure immobile et d'un lieu séparé, nous sommes les premiers à avoir rallié la marche de l'humanité sur les routes du monde. De là l'étrange porte-à-faux où nous sommes placés, les choses auxquelles nous sommes attachés parce qu'elles nous ont faits ce que nous sommes, ont disparu tandis que ce qui, paraît-il, se produit, reste sans répondant, sans écho véritable dans nos âmes ombreuses et nos coeurs surannés. (Sur une chaîne d'attache)

... dans nos âmes ombreuses et nos coeurs surannés...

                    ... dans nos âmes ombreuses et nos coeurs surannés...

                                      ... dans nos âmes ombreuses et nos coeurs surannés...

 

Bergounioux manie la langue en artisan. Il l'approche avec circonspection, la travaille, la polit avant de l'offrir au lecteur avec une considération un respect comme on n'en rencontre finalement peu souvent. Loin de souffler dans le vide, loin de sculpter pour une caste, Bergounioux emporte celui qui le lit vers des régions rarement visitées, sans pour autant chercher à l'essouffler en route. Plutôt qu'un artisan, nous avons à faire à un guide de haute montagne qui aurait le don d'aplanir le chemin.

 

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dragons

Publié le par Za

Eh bien voilà ! 2012 est l'année du dragon.

C'est comme ça. 2011 était l'année du lapin, c'est nettement moins inspirant, vous l'admettrez !  

Donc, si l'on en croit ce parrainage, 2012 sera dragonneuse, grande, virevoltante, inattendue, fascinante, brûlante, flamboyante, à l'image de cet animal extraordinaire qui existe bel et bien, et que ceux qui en doutent passent leur chemin, merci.

Je commencerais donc cette année par un album de 2009, Dragons (Tell me a dragon).

 

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Pas d'histoire proprement dite mais une galerie d'histoires possibles, onze doubles pages somptueuses, accompagnées chacune d'un petit texte rabougri dont on aurait peut-être eu avantage à se dispenser, tant les images se suffisent à elles-mêmes. Des aquarelles généreuses pour cet album grand format qui présente des dragons du bout du monde, des dragons familiers, ceux qui nous accompagnent tous les jours, dans l'ombre, majestueux et discrets.

Je ne les garderais pas tous, j'ai mes préférés.

Celui-ci, urbain, inattendu, prêt à prendre son envol, modeste dans sa mise et son attitude, mais gardien redoutable, dont on imagine bien quel encombrement il peut représenter dans un intérieur new-yorkais...

 

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Celui de la couverture, fier, altier, voyageur infatigable, croisant nuages et comètes, tempêtes et douces nuits de pleine lune, tel un voilier céleste...

 

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Et mon préféré, le plus subreptice, celui qu'on devine à peine, mais qu'on ne peut oublier, celui qui raconte, qui inspire...

 

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Ne me dites pas que vous ne l'avez pas vu ! Mais il est ici, voyons !

 

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J'en aurais bien terminé ici si Petitou, ne m'avait mis une autre page sous le nez en me disant : "Moi, je veux celui-là ! Avec lui, je n'aurais plus peur, la nuit !" Si seulement je pouvais te le rapporter, je le ferai sans hésiter, bonhomme ! Et j'en adopterais bien un pour moi aussi, tu sais...

 

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Dragons

Jackie Morris,

éditions Gautier-Languereau.

 

Et pour la célébrer en fanfare, cette année du dragon,  je terminerai pas une petite revue de quelques grandes bestioles que vous pouvez croiser dans mon cabas, il suffit de cliquer sur les couvertures !

georges et le dragon compte avec Charles009 George and the Dragon cover1
tendres dragons zébulon-copie-1 charles
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forcément...

Publié le par Za

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Une fois encore, je n'ai pu résister à l'appel du Yark...

 

Publié dans romans

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dans la forêt du paresseux

Publié le par Za

Il y a livre animé et livre animé.

Les pop-up fleurissent en ce moment comme les poils sur les pieds d'un hobbit. D'autres se parent de découpages savants, de dentelles délicates d'une fragilité telle qu'à peine achetés, ils sont illico remisés loin des petites mains dévastatrices, comme des reliques. Et lorsque l'animation ne vient que vaguement en contrepoint du texte, lorsqu'elle ne sert qu'à nous en mettre plein la vue (mais que c'est fait exprès, que ça se voit, pas comme le Drôle d'oiseau de Philippe Ug, on en recause bientôt), on les referme en ce disant, "oui, et ?", ou "so what ?" si on est d'humeur british. On en arrive alors à des livres qui n'en sont plus ou, pire, qui s'excusent d'en être. Et ça aurait tendance à m'agacer.

Du coup, celui-ci m'a agréablement surprise, je dirais même qu'il m'a déçu en bien (ça, c'est quand je suis d'humeur helvète), enfin, bref, je l'aime ! 

 

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Je l'ai mis en douce sur la lettre au PN, et le grand barbu l'a déposé sans faillir dans les petits souliers pointure trente-trois. Preuve qu'il a un goût très sûr malgré son grand âge...

Dans la forêt du paresseux, il y a un monde fou. Des animaux en pagaille se camouflent au pied des arbres, des oiseaux multicolores animent le feuillage, des gens se promènent, discutent, rêvent et le paresseux dort...

 

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Tout à l'air paisible et harmonieux, sage et bien rangé, jusqu'à l'arrivée d'engins aux mâchoires impitoyables. Chaque page tournée voit la forêt se vider de ses habitants. Et le paresseux ? Il dort toujours, sans se douter que désormais, il ne reste plus que son arbre...

La forêt finira par renaître, plus belle encore et plus sauvage. Elle revivra de la main de l'homme, ce qui mérite d'être remarqué, pour une fois qu'on ne nous sert pas l'habituel discours écolo-culpabilisateur.

 

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Dans la forêt du paresseux  fourmille de détails qui invitent à se perdre entre les arbres. Le texte de Sophie Strady n'est pas écrasé par les planches pop-up, qui ont une vraie utilité dans le récit. Voilà un livre dont je ne suis pas prête de me lasser !


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À découvrir, de trois à cent trois ans !

la vidéo sur le blog de la Soupe

 

Anouck Boisrobert et Louis Rigaud

Sophie Strady

Éditions Hélium

2010

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