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etienne davodeau

les ignorants

Publié le par Za

Qu'est-ce qui fait qu'on ouvre une bande dessinée de 272 pages et qu'on la lit d'une traite, sans imaginer la lâcher une seconde, même lorsqu'il devient tout à fait déraisonnable de rester éveillée à cette heure sombre...

 

les ignorants

Voilà une des meilleurs choses que j'ai lue depuis longtemps, un livre débordant d'humanité, de générosité. Un auteur de BD, Étienne Davodeau, un vigneron, Richard Leroy. Il taille la vigne, laboure, soigne, scrute la plante, le ciel. Il dessine, court les salons, scrute le papier, la couleur. Ils vont échanger leurs expériences, s'accompagner mutuellement, découvrir ce qui anime l'autre, en accepter les bizarreries. Sans arrière pensée, sans a priori. Boire des coups, échanger sur des livres lus, voyager ensemble, c'est exactement l'idée que je me fais de l'amitié, j'ai tort ?

Cette initiation croisée qu'annonce le sous-titre est bien l'originalité de l'aventure. Chaque maître dans son domaine a tout à apprendre de l'autre, sans qu'il y ait la moindre hiérarchie. On trouve de l'art dans le vin, du travail quotidien et parfois ingrat dans la bande dessinée.

Je n'aurai aucun bémol à coller sur cette BD. Et je n'en admettrai aucun, tenez-vous le pour dit ! Le dessin de Davodeau, au plus près des gens, est un modèle du genre : bienveillant et discret. Pas d'esbroufe, de l'humour, on est là pour raconter une histoire, un bout de chemin. Et moi qui sourit en coin lorsqu'on évoque les principes de la biodynamie, eh bien là, je fais comme Davodeau, je m'écrase et je respecte.

Le grand charme de cette BD, ce sont les deux héros en candides, étonnés, parfois rétifs mais toujours prêts à y aller. Et les seconds rôles aussi. Comme j'ai aimé la visite chez Gibrat, et la rencontre avec les vrais personnages du Photographe de Guibert, Lemercier et Lefèvre (Aire Libre chez Dupuis) ! Car Robert Saleon-Terras et Régis Lansade sont devenus vignerons à leur retour en France !

Il y a aussi la rencontre drolatique en forme d'incompréhension entre Richard Leroy et l'œuvre de Moebius. Et ses changements capillaires en lien avec les saisons. Et son intransigeance dès qu'il est question de dégustation. Et ses questions toujours pertinentes et qui pourraient être les nôtres. Parce que, ignorante du monde du vin et des coulisses de la BD, je suis sortie de cette lecture rassasiée, enthousiaste, attachée définitivement à ses personnes comme si je les avaient vraiment rencontrées.

Mais c'est ça. Je les ai vraiment rencontrées.

 

Étienne Davodeau

Les Ignorants

Récit d'une initiation croisée

Futuropolis, 2011

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