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nouvelles

néandertal (et des poussières)

Publié le par Za

Je suis énervée. 

La hausse de la TVA sur le livre, évidemment.

Mais pas que.

 

 

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Disons-le tout net, ce n'est pas parce qu'on est un auteur plutôt doué de ses dix doigts qu'on peut tout se permettre ! Ce recueil de nouvelles, à peine teinté d'anachronisme, nimbé d'un humour fin et délicat, est l'oeuvre de l'infréquentable Yann Fastier, dont la vocation de paléontologue saute aux yeux dès les premières lignes et dont le grand talent fait pâlir de jalousie Yves Coppens à tel point qu'il n'a pas signé la préface de ce livre, lui si prompt habituellement à se prêter à ce genre d'exercice. Laissez-moi reprendre mon souffle une seconde, j'écris rarement des phrases si longues... Mais il y des circonstances où franchement.

 

Il y a quelque chose des Tontons flingueurs chez ces Néandertaliens pur jus ! Je ne suis pas du genre sportif, alors, suivre les aventures de Yob le chasseur de gazelles et de ses congénères... Enfin, suivre, c'est beaucoup dire, moi, les épines dans les pieds, qu'il faut ensuite enlever avec les dents, la DRP (Dégustation Réciproque de Poux) je ne suis pas sûre de vraiment adhérer... Mais à part ça, ils sont plutôt sympathiques, les préhistoriques, un rien potaches, de mauvaise foi, couards, vantards, et picoleurs. Parce que, de ce côté-là... Et que du bizarre. Ils en descendent des calebasses de krög ! - une boisson fermentée à base de brôôhtt, pour ceux qui ne connaîtraient pas. Quand ce n'est pas du krüg, une boisson fermentée à base de mousse, pour ceux qui ne connaîtraient pas. Quand ce ne sont pas carrément des cocktails, mélange de boissons fermentées à base de divers trucs, rituellement consommées pour conjurer le déclin de l'astre du jour.

 

Et puis des fois, le dur s'attendrit. Et pas seulement quand on lui tape dessus, non.

Bon, évidemment, ma cousine Youna-Youna, elle fait bien ce qu'elle veut, hein ! on n'est pas mariés, je ne suis pas jaloux, mais en tant qu'équipier privilégié pour la cueillette des tatous, je me suis senti le droit de... Comment dire ? De lui signifier que mon affection lui était acquise pour autant que n'interféraient pas trop ostensiblement les manoeuvres de quelque individu ventripotent dont les gras appétits ne sauraient en aucun cas rivaliser avec les finesses de ma nature d'artiste.

 

Et cette histoire d'évolution... Bien encombrante, cette évolution. On ne peut plus se balader sur quatre pattes tranquillement, l'art rupestre n'est plus ce qu'il était, jusqu'aux bonnes vieilles méthodes de chasse qui se perdent ! Et je ne vous parle pas de ces moments curieux où Yob est gagné par la poésie, une faculté curieuse qui le fera exclure du joyeux mais viril groupe de chasseurs pour rejoindre celui des écosseurs de chenilles, certes moins aventureux, mais uniquement composé de filles, et pour les filles, la poésie, y a pas mieux.

 

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Au Panthéon de mes héroïnes favorites, aux côtés de Bonnemine, Ma Dalton, Mlle Legourdin, j'ajouterai désormais, si vous n'y voyez pas d'inconvénient,  Brââj-au-Beau-Nombril, la douce maman de Yob. Une femme comme on les aime, pas forcément un top model mais un caractère bien trempé, une qui ne s'en laisse pas compter, même en face d'une horde de primitifs sous l'emprise de boissons à base de rutabaga fermenté...

Alors comme on n'est pas des sauvages et qu'on connaît les usages de la politesse, on prévient d'abord qu'on va se fâcher, pour éviter tout malentendu. Et pour ça, le plus souvent, on envoie maman.

Elle fait ça très bien.

Ce n'est pas qu'elle ait une grosse voix, ma mère, ou qu'elle connaisse plein de gros mots... Non, son truc à elle, ce serait plutôt l'insinuation blessante et le lancer de mottes de terre.

 

Mais alors d'où vient l'énervement sus-cité ? Mais nom de nom, par le Grand Tatou Bigbaong !

 

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Je rigolais depuis une bonne heure, tout en voyant à regrets se pointer les dernières pages, je n'avais franchement pas envie de les quitter, les hirsutes. Et c'est là que tout a dérapé. La dernière nouvelle, celle qui s'intitule Octobre, mon mois préféré, mais c'est une autre histoire...

 

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Et j'ai arrêté de rire, ma gorge s'est serrée et mes yeux se sont remplis d'eau. Ce texte-là, tout en restant dans le ton du reste, est à part, suspendu, vaguement en phase avec mon humeur du moment. Je suppose que Môssieur Fastier doit être fier de son coup. Non, on ne fait pas ça à un lecteur innocent et qui ne vous a rien fait !

 

Ah oui, j'oubliais : ruez-vous donc chez votre libraire et achetez ce livre.

Sinon, je vous envoie Brââj-au-Beau-Nombril !

 

illustrations de Morvandiau,

Atelier du Poisson Soluble

mars 2011

 

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les dévoreurs de livres # 1

Publié le par Za

La littérature est, au sens propre, une passion envahissante, on l'a déjà vu. Mais elle est aussi une affection dévorante qui engloutit le lecteur au fur et à mesure qu'il avale les livres. Littéralement.

"Je fermai le livre très doucement, le flattai avec la paume de ma main droite comme pour y laisser ma chaleur... et le mordit avec une volupté que j'ai rarement retrouvée depuis.

Ma mère crierait, Jacques m'engueulerait - un livre neuf ! avec des traces de dents ! - mais tant pis, la tragédie grecque portait déjà ma marque ! "

 

ange cornu

Dans le Montréal des années cinquante, le jeune Michel Tremblay est un dévoreur de livres comme on en fait peu, de la catégorie des obsessionnels, des malades, des ravagés. La Comtesse de Ségur, Jules Verne, tout y passe, avec la même fringale impossible à rassasier. Et un jour, fatalement, vient le temps d'inventer et d'écrire...

Quel bonheur que ce livre ! Quel plaisir de lecture ! Michel Tremblay est auteur dramatique. C'est logiquement dans les dialogues qu'il se surpasse, des dialogues en joual, avec l'accent qui vient tout naturellement à l'oreille. C'est pour ces affectueuses disputes entre Michel et sa mère qu'il faut lire ce livre, des disputes que je qualifierait de ... pagnolesques!

"Chus ben contente que t'aimes lire, Michel, mais si c'est la lecture qui te rend malade comme ça, j'vas t'acheter un bâton de hockey pis tu vas aller te faire des muscles ! "

Michel Tremblay, a grandi entre une grand-mère lectrice impénitente et une mère qui avait un avis très clair sur la question , une philosophie dont on devrait se souvenir au moment d'ouvrir un livre, ou en le refermant, juste avant d'asséner aux patients lecteurs de son blog un avis ferme et définitif...

"Chus pas une spécialiste de la littérature, moi ! J'me contente de lire des livres, de suivre l'histoire qu'on me conte, de brailler quand c'est triste pis de rire quand c'est drôle... J'me pose pas des question jusqu'à demain quand je lis une phrase ! J'finirais jamais un seul livre ! J'sais quand une histoire est à mon goût ou non, pis j'lis le livre ou non, c'est toute !"

 


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notre besoin de consolation est impossible à rassasier

Publié le par Za

Chers amis désespérés,

 

Prenez quatre euros et quelques minutes.

Quelques minutes pour découvrir ce texte et des mois ensuite pour y penser, y retourner.
C'est ça. C'est un texte qui retourne.
Lu cet été, en plein soleil.
Relu, même, à voix presque haute, immédiatement.
Pas chroniqué, trop casse-gueule.
Car que dire de plus, qui n'aurait été inutile.
Pas rangé, reposé dans la pile à lire qui fait parfois ressurgir ce qu'on lui a confié, aidé en cela par une lecture sur la toile, qui remet la puce à l'oreille.
Et je découvre à cette occasion, l'interprétation qu'en font les Têtes Raides sur scène. 
J'y replonge, et retrouve, coincée entre les pages 16 et 17, une fleur rose séchée qui est devenue violette (mon côté fleur bleue).




Stig Dagerman écrit ce texte en 1952 - il ne sera publié en France qu'en 1981. Sous ce magnifique titre  se cachent dix pages serrées, impitoyables, écrites au scalpel, sur ce qui a conduit Dagerman à cesser d'écrire, de peur de n'y arriver plus, puis à cesser de vivre.
Le texte débute ainsi : "Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie ne soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux. Je n'ai reçu en héritage ni dieu, ni point fixe sur la terre d'où je puisse attirer l'attention d'un dieu : on ne m'a pas non plus légué la fureur bien déguisée du sceptique, les ruses de Sioux du rationalisme ou la candeur ardente de l'athée. Je n'ose donc jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses qui ne m'inspirent que le doute comme si celui-ci n'était pas, lui aussi entouré de ténèbres. Cette pierre m'atteindrait moi-même car je suis bien certain d'une chose : le besoin de consolation que connaît l'être humain est impossible a rassasier."

Comment chercher alors, accueillir cette consolation fugace, éphémère, impossible à tenir, qui ne sera jamais assez solide pour devenir fondation, étayage, ce mirage de consolation, si bref, si trompeur... Il devient alors nécessaire de se mettre à l'affût de sa condition d'humain libre, si tant est que la liberté soit possible. Aucun espoir dans ce texte. Pas de bonheur, non plus. Le mot n'y figure jamais (mais je m'appuie sur une traduction). Ceci étant dit, je m'en accommode assez bien, tant ce pauvre bonheur est mis à toutes les sauces jusqu'à en devenir boursouflé et vain. Le seul sentiment de félicité se trouve hors du temps, il est lié à la nature, à l'autre, en tout cas jamais à l'écriture.  "Non seulement la félicité se situe en marge du temps mais elle nie toute relation entre celui-ci et la vie."

Alors, amis désespérés, ne lisez pas ce livre.
Pour les autres, c'est à dire ceux qui ne le seraient pas encore - désespérés, sachez que la lucidité crue de ce texte fait un peu mal, de ce mal qui fait qu'on est vivant.
Aussi.


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Pierre Cormon

Publié le par Za

D'abord, une belle réussite éditoriale. Format pas commun, couleurs qui ne pouvaient qu'attirer mon oeil, titres alléchants, illustrations drôles, drôles d'illustrations. L'Atelier du poisson soluble a encore frappé. De quoi accrocher un lecteur de fin de vacances, qui a un peu abusé des mots pendant ces deux derniers mois, mais en reprendra bien une dernière lichette pour la route...

 

 

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J'ai commencé par les Mémoires de Satan, recueil de nouvelles qui s'ouvre sur un long texte presque angélique... Pauvre Satan, pauvre bougre, au prise avec des anges niais, une Divinité retors et imbue d'elle-même (voir les majuscules aléatoires de son discours, très drôles), une humanité qu'il peine à sauver d'elle-même. Comment, en effet, ne pas s'apitoyer joyeusement sur les marins de Christophe Colomb, qui, affirmons-le, avaient bien raison de se méfier. D'une nouvelle l'autre (salutaire "Football sans ballon"), Pierre Cormon nous embarque jusqu'au Jugement dernier, au procès des grands hommes, où tout le monde en prend pour son grade, Voltaire, Gandhi, Bob Geldorf et finalement, Dieu lui-même...

 

"- Ben oui, expliqua Satan, toute cette histoire d'enfer, c'est de la propagande, ça n'existe pas. Ils m'ont chassé ignominieusement, vous n'allez tout de même pas penser qu'ils allaient me confier un rôle aussi important ! Ça ne tiendrait pas debout ! On ne peut pas être en même temps un proscrit et le geôlier du régime ! Vous croyez que Staline aurait confié la gestion du goulag à un dissident ?
Un grondement parcourut la foule.

- Dites, je me suis emmerdé toutes ces années sur ma colonne pour échapper à un enfer qui n'existe pas ? cria Siméon le Stylite."

 

Un humour féroce, le genre qui me réjouit, une folie pas que douce, réglant leur compte aux anges obtus, fil rouge du livre.

 

"Et il [un marin de Christophe Colomb] s'empara d'un ange qu'il se mit à caresser. Par cette vue alléchés, ses compagnons se ruèrent sur ceux qui avaient le malheur de se trouver à leur portée. Les anges qui le purent s'enfuirent terrorisés.

[...] Ils s'apprêtaient à commettre l'irréparable lorsque Manuel Vasquez hurla:

- Mais elles n'ont pas d'orifice, ces mignonnes !

Ils se mit à secouer Jezekhiel.

- Et comment est-ce qu'ils vont aux toilettes, ces chérubins ?

L'ange, terrorisé, répétait sans comprendre:

- Orifice ? Toilettes ?

- C'est bon, te fatigue pas, j'ai compris, grogna l'Espagnol. Vous n'êtes pas équipés pour les plaisirs terrestres.

Et il le repoussa dédaigneusement. "

 

 

Dans ces conditions, comment ne pas fureter à la recherche du second recueil de Pierre Cormon, en fait chronologiquement le premier, Le Génie de l'aubergine...

 

 

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Un ensemble de contes gigognes, à la manière des Mille et une Nuits, mais en franchement pire. On peut, chez Pierre Cormon, épouser une soupe de poissons, vivre un éternel lundi, subir la dictature des fabricants de pâtes alimentaires ("Confession publique de la dernière mangeuse de spaghettis"), voir un cafard se métamorphoser en homme - juste retour des choses. Figurez-vous aussi que le Chili se trouve quelque part dans les Alpes vaudoises. Car Pierre Cormon est Suisse. La preuve, il fait ses courses à la Migros !

 

Au dos des Mémoires de Satan, il est écrit: "Pierre Cormon est né en 1965. Il a déjà publié Le génie de l'aubergine et autres contes loufoques, reçoit volontiers des lettres d'admiratrices."

Que l'on me compte désormais au nombre des dites admiratrices.

 

 

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la colère des aubergines

Publié le par Za

Ça, c'est du titre, du vrai, du beau !

 

Un recueil de nouvelles culinaro-familiales de l'auteure indienne Bulbul Charma.

 

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...nouvelles à picorer,

récits de famille autour de la table et des marmites,

mariages et voyages,

amours et rancunes (très Jane Austen, "amours et rancunes", non?),

des épices: curcuma, moutarde, cardamome, cumin, cannelle, girofle,

gingembre, coriandre, carvi, fenugrec,

des plats épicés, épicés,

des montagnes de légumes,

et quelques pommes de terre,

du craquant, du fondant,

beaucoup de sucre,

et du gras, du gras...

 

http://ecx.images-amazon.com/images/I/51R0SFK438L._SS500_.jpg

 

Chaque nouvelle se termine par les recettes des mets évoqués. Les histoires sont cocasses, mélancoliques, tendres, tristes, parfois tout à la fois.

 

Extrait de la nouvelle "La Colère des aubergines", parlant de M. et Mme Kumar:

" Ils avaient engendré un fils dont la conception les perturba et les stupéfia tous deux à tel point qu'ils ne renouvelèrent jamais l'expérience.

Le fils grandit dans la chaleur et la confusion des deux familles étendues sans distinguer son père des autres hommes de la maisonnée. Jusqu'à l'âge de dix-huit ans, il vécut avec l'impression que son oncle préféré était l'auteur de ses jours. Quand il se rendit compte que c'était en fait M. Kumar, il fut si abasourdi qu'il s'enfuit de la maison familiale. On le retrouva quelques jours plus tard, et avant qu'il ne s'avisât de commettre un nouvel acte radical, son grand-père le maria à une jeune fille de bonne famille, généreusement dotée. Mme Kumar n'avait pas voix au chapitre. M. Kumar non plus."

 

Bulbul Sharma est également l'auteur de "Mes sacrées tantes", toujours chez Picquier.


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