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seuil jeunesse

Cavale & Une histoire d'amour

Publié le par Za

Dans les catégories d'âge qu'on attribue parfois aux livres, vous connaissez bien entendu la littérature dite young adult, à mi-chemin entre ado et adulte. Entrons aujourd'hui, lecteur fidèle (et patient), dans la littérature old child, autrement appelée je-lis-encore-des-albums-et-alors ? En temps qu'ancien enfant, je me sens parfois chouchoutée par les auteurs-illustrateurs d'albums jeunesse, au point de m'en croire seule destinataire. Non pas que les ouvrages dont il va être question ne sont pas destinés aux enfants, loin s'en faut. Mais l'adulte qui les lit loin de toute contingence enfantine, y trouvera grandement son compte.

Cavale & Une histoire d'amour

Cavale d'abord. Mais qu'elle est énigmatique cette couverture ! La citation de Christian Bobin placée en exergue ne l'est pas moins. Habitués aux couleurs de Rébecca Dautremer, nous voici dans le sépia, dans l'ombre. Le bien nommé Cavale court sans cesse. Il court de peur que Fin ne le rattrape. Ce n'est pas lui sur la couverture, le petit homme sous le grand chapeau, c'est Maintenant. Il est l'enfant de Cavale et de Montagne, la seule qui a réussi, de manière un peu brutale, à arrêter la folle course. Le dessin s'étend en pleine page ou se fractionne en séquences, donnant l'impression du mouvement.

Cavale & Une histoire d'amour

Le texte métaphorique de Stéphane Servant se lit discrètement, en orange sur fond blanc, se met parfois en retrait, laissant à l'image plusieurs doubles pages de suite avant de reprendre sa place. Le dessin court et le texte pose le temps de la réflexion. Aux images l'action, les cris, aux mots la mise à distance de la peur et de la fuite. Car Cavale fuit du haut de ses quelques paires de jambes, il fuit devant Fin l'inéluctable. Cette belle leçon de vie, à qui est-elle destinée ? Doit-on l'accompagner d'une explication de texte, au risque de l'affadir ? Ne serait-il pas plus juste de laisser la compréhension du jeune lecteur en l'état, aux prises avec les évocations qui lui seront accessibles, jusqu'à une prochaine lecture différemment éclairée, jusqu'à une lecture de young adult ou d'old child ?

Cavale
Stéphane Servant & Rébecca Dautremer
Didier Jeunesse, octobre 2017

Cavale & Une histoire d'amour

Dans le bestiaire Bacheletien, on connaissait l'éléphant le chat, l'autruche, le champignon, l'escargot... Voici le gant. Mais pas n'importe lequel. Le gant domestique, celui qui ne sort jamais dans la rue, le mal aimé, voué aux pires travaux, à la sale ouvrage : le gant Mapa (petit R dans un rond).
Georges et Josette se rencontrent à la piscine, tombent amoureux, se marient, ont des enfants, des hauts et des bas, une vie entière de gants ménagers dans le confort d'un intérieur bourgeois et de bon goût - il n'est qu'à voir la toile de Jouy recouvrant les murs. Rien de plus banal que cette histoire me direz-vous. Mais à en juger par le temps passé à scruter chaque page et les rires ponctuant cette lecture jubilatoire, rien n'est ici banal. Le souci du détail dont Gilles Bachelet pare chacun de ses albums est, à mon sens, la plus belle marque de respect que le dessinateur destine à son lecteur - et à sa lectrice, c'est à dire moi. Tout cela fourmille de références trempées dans l'absurde, de clins d’œil aux précédants albums, de marques de connivence envers les Bacheletophiles, sans pour autant laisser sur le bord du chemin les primo-Bacheletiens.

Cavale & Une histoire d'amour

Je pense cependant, et je ne crois pas m'avancer, que le lecteur d'âge minuscule, à partir de 7 ou 8 ans, et pour peu qu'on lui ait fourni un début de sens de l'humour, ne manquera pas de se bidonner devant l'éclosion des petits canards wc, l'enthousiasme de la brosse de compagnie, et pour peu qu'il ait le sens du détail, la collection de cravates de Georges devrait le mettre en joie.

Une histoire d'amour
Gilles Bachelet
Seuil Jeunesse, novembre 2017

 

Cavale & Une histoire d'amour
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Olivia joue les espionnes

Publié le par Za

She's back !

Olivia joue les espionnes

Olivia est mon héroïne.
Ian Falconer est mon héros.
Olivia est un cochon new-yorkais. Olivia est une fille. Une fille au caractère, disons... affirmé, qui ne s'en laisse pas conter (lire à ce sujet Olivia Reine des princesses), s'habille comme bon lui semble. Elle a des projets, des ambitions, des passions. Prenons par exemple la danse. Olivia est une admiratrice absolue de Martha Graham, ce qui n'est pas courant dans l'univers de l'album jeunesse, reconnaissons-le.

Olivia joue les espionnes

Mais il n'y a pas que la danse dans la vie, et Olivia a d'autres cordes à son arc. Comme l'espionnage.
Une conversation téléphonique, la mère qui se plaint de son volcan de fille, il n'en faut pas plus pour que l'inquiétude s'installe, pour que le goût du romanesque sans demi-mesure prenne le pas sur la réalité. S'en suivent alors une série de gags visuellement désopilants, servis par l'omniprésence d'une Olivia démultipliée, partout à la fois. L'économie de décor permet à Falconer de jouer la carte de l'héroïne hyperactive, toujours à l'image, même lorsqu'elle veut se camoufler.

Olivia joue les espionnes

Il pourrait y avoir une morale à cette histoire, une leçon de vie, un léger pensum sur la confiance à accorder à ses proches mais c'est sans compter avec la légendaire répartie d'Olivia qui a toujours le dernier mot et clôt l'album à sa manière.
Olivia joue les espionnes est un album drôle mais fin, multigénérationnel, qui échappe à tous les stéréotypes de genre sans pour autant en faire un principe. Pour tout cela, mais surtout pour le plaisir de retrouver - ou de découvrir - un personnage à nul autre pareil, lisez Olivia !

Olivia joue les espionnes
Ian Falconer
Seuil Jeunesse, juin 2017

Olivia joue les espionnes
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un éléphant à New-York

Publié le par Za

un éléphant à New-York

Forcément, quand John découvrit un éléphant en sortant de chez lui, il fut étonné. un peu plus que ça même. un éléphant dans les rues de New-York, c'était impossible.

Un éléphant à New-York est un album immersif. Évidemment, il y a le grand format, les doubles pages majestueuses, la grosse bestiole tranquille, la ville surdimensionnée. Rien que le titre, Un éléphant à New-York, ça vous pose immédiatement un alboume dans le grand, l'imposant.
Le texte de Benoît Broyart, tout de phrases courtes et percutantes au début de l'histoire, se calque parfois sur le rythme pépère de l'éléphant en balade. Et quelle balade ! A mi-chemin entre rêve et réalité, dans un New-York sans cesse réinventé, on croise Marylin, Superman, des new-yorkais affairés, des joggers à Central Park, une curieuse parade sur le pont de Brooklyn.
L'illustration fait alors un pas de côté par rapport au texte. Ce décalage, parfois imperceptible fait accepter l'impossible : un éléphant envahissant le paysage new-yorkais ou s'y fondant l'air de rien.

un éléphant à New-York

Mais c'est aussi dans l'impalpable que ce livre fait mouche. Dans les regards si caractéristiques des personnages de Delphine Jacquot, les yeux comme cernés de khôl, les regards précis dont on suit la trajectoire jusqu'au bout, ou les paupières baissées de ceux qui sont perdus en eux-même. Il y a aussi les profils de miniatures indiennes qui, par contraste, rendent les visages de face si intenses.

un éléphant à New-York

On ressort de cette histoire d'ami imaginaire hors norme comme on s'éveille d'un rêve agréable, avec une sensation de douceur, d'apaisement.

Un éléphant à New-York
Benoît Boyart & Delphine Jacquot
Seuil Jeunesse
octobre 2015

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Charles amoureux d'une princesse

Publié le par Za

Charles amoureux d'une princesse

Cher Charles,
Te revoilà enfin, vieux lâcheur !
Tu le sais, nous autres, ici, on t'attendait. Ce n'est pas parce que Petitou est devenu tellement grand que ce surnom a été abandonné, ce n'est pas parce que le bonhomme a onze ans qu'il t'a oublié. Et c'est en trépignant de joie que le grand dadais m'a quasiment arraché cet album des mains il y a quelques jours - en plus, il court beaucoup plus vite que moi maintenant.

Le livre rapetisse, le petit grandit...

Le livre rapetisse, le petit grandit...

Chère bestiole...
Te voilà aujourd'hui errant dans un paysage pour le moins désolé. Faut dire qu'une dragonne XXL ravage la contrée. L'album s'ouvre sur une scène hautement cinématographique, grand angle, fureur, bataille. En un mot, ça chauffe.

Charles amoureux d'une princesse

Bien inconsciemment, tu te jettes à la tête de l'immense dragonne boueuse, sans peur, la gueule pleine de poésie, d'histoires. La rencontre est savoureuse. L'une est balèze, l'autre pas. L'un lit, l'autre pas. Mais qu'importe les différences. Elle nous plait, ta nouvelle amie, cette Cornélia un peu moche, à la fois redoutable et timide, bodybuildée à mort, dont la robe et l'allure contrastent si parfaitement avec ta fragilité, ton aspect solaire.

Votre corps, Cornélia, est celui d'une athlète
Le mien ressemble hélas à une cacahuète...

Charles amoureux d'une princesse

De tes livres de contes, mon vieux Charles, tu as tiré une curiosité sans bornes pour... les princesses. Qui l'eût cru ? Tu sais, il faut quand même que je te dise que les princesses, c'est très surfait. Elles sont partout, les princesses. Des roses, des bleues, des niaises, des envahissantes. C'est une tendance un peu, comment dire... Lourde. Alors, en voir une dans le titre de tes nouvelles aventures, ça nous a un brin déconcertés.
Mais on se doutait bien que messieurs Cousseau et Turin ne pouvaient décemment pas tomber dans les travers de l'histoire à princesse. Il faut avouer qu'ici, elle n'est pas où on l'attend et son traitement donne lieu à des scènes franchement décalées, bousculant les codes du genre. Tout ça pour dire qu'on a bien rigolé, avec ex-Petitou.

Dans ce monde sans joie
où manque la tendresse,
Reste-t-il un endroit
pour soulager ses fesses ?
- C'est un peu spécial, grimace Cornélia. Et si tu te taisais un peu pour voir ? On entendrait le silence. C'est beau aussi, le silence... Chuuut !

De l'action, de l'humour, du grand spectacle aussi. Des pages, où ça s'agite en tout sens, où ça bataille ferme, au point de ne plus lire le texte tellement c'est palpitant. Et puis toujours de grandes images somputueuses, des doubles pages monstrueuses de précision, de virtuosité où l'on pourrait entendre rouler les pierres du château, où l'on pourrait sentir tomber la pluie.
Si je ne devais garder qu'une page, ce serait d'ailleurs celle de l'averse, ce moment de stupeur qui frappe les héros. Qui pourrait imaginer tout ce qu'il y a de travail, de respect du lecteur derrière cette image ?

Charles amoureux d'une princesse
Charles amoureux d'une princesse

Voilà, mon cher Charles, tout ça pour te dire que chacune de tes visites nous enchante. Pas la peine que je te dise qu'elles sont trop rares, tu le sais. Alors, à très vite, du côté de ce fameux horizon plein de promesses...
                                       Poutous,
                                       ta vieille Za

Charles amoureux d'une princesse
Alex Cousseau & Philippe-Henri Turin
Seuil Jeunesse, octobre 2015

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un pic, un roc, un tas de riz, un grand cerf et Pythagore

Publié le par Za

Ils sont grands. Très grands, ces alboumes de monsieur Dedieu. 38x28cm, autant dire 38x56cm une fois ouverts. Des coups à se faire une cabane avec. Des pages cartonnées, blanches et noires de dessins démesurés. De quoi de perdre, se noyer. Une lecture en immersion totale, qu'on démarre avec des petits cailloux dans la poche. Des coups à ne jamais en revenir.

"Pinicho oinichba" et "Une souris verte" sont à venir.

"Pinicho oinichba" et "Une souris verte" sont à venir.

Les illustrations attirent l'oeil et l'attention. On connait le talent protéiforme de Thierry Dedieu, jamais là où on l'attend. Le dispositif témoigne de la grande maîtrise de son auteur, l'image et le texte s'emboitent à merveille, le choix de la typographie est esthétiquement parfait.

Visez l'air étonné du cerf...

Visez l'air étonné du cerf...

Et puis les textes.
Depuis que la chevillette choit, on sait que ce n'est pas la compréhension immédiate du texte qui emporte l'adhésion des foules enfantines, c'est aussi la musique des mots, le jeu des sonorités. Fiston 1er se délecte des Fables de la Fontaine depuis bien longtemps, disait la Cigale et la fourmi avec gourmandise, sans en saisir la moitié.
Les textes ici associés aux grandes illustrations noires et blanches sont pour le moins inattendus. Mais pas tous. Il y a une comptine, Dans sa maison un grand cerf, un virelangue, Tas de rats tas de riz, jusque-là rien que de très normal. Deux autres pourraient surprendre et m'intéressent davantage. Un roc, un cap, un pic, en d'autres termes, la tirade de Cyrano de Bergerac. Et pourquoi pas ? Le personnage est magnifique, le texte lyrique, musical au possible. Il y a aussi le théorème de Pythagore. On est là au bout de la démarche. Au bord de l'abstraction. Et pourquoi pas ? L'audace de la démarche est respectacle, voire ébourriffante.
Alors imaginez que votre Za, qui déteste au plus haut point la cucuterie parce-que-c'est-tellement-mignon-pour-les-zenfants, qui vomit la mièvrerie parce-qu'il-faut-se-mettre-à-leur-niveau, votre Za, souvent énervée de ce qu'on destine aux minuscules, se réjouit. Et parle d'elle à la troisième personne par la même occasion. C'est pas si souvent, vous permettez. Et ma chronique pourait s'arrêter là, dans un contentement que j'espèrerais communicatif.

un pic, un roc, un tas de riz, un grand cerf et Pythagore

Pourtant, après cet emballement digne des plus préssieux des alboumes de ce Cabas, je m'interroge. Pourkwââââ ? Oui, pourquoi ? Pourquoi parer cette série d'albums réjouissants de la mention 0-3 ans ? Cette indication est à mon sens fort réductrice. Ces albums épatants le resteront largement après cet âge. Il est tout à fait louable d'attirer l'attention sur le fait que les bébés ont le droit aux livres, à la lecture, que lire n'est pas seulement déchiffer des mots. Collez des livres dans les pattes de vos petitous, tout petitous même, vous en récolterez les fruits un jour. Et au-delà de vos attentes même. Mais c'est réduire ce travail que de le borner à un public précis. Ceci dit, si cette recommandation rassure et permets à ces albums d'entrer dans les crèches, pourkwââââ pas ?
En réalité, j'ai un second pourquoi. Pourquoi accompagner ces livres jubilatoires d'atours scientifico-pédagogiques, de tests in vivo...

On voit bien dans le petit film l'intérêt, la curiosité des enfants. Il suffit d'observer en coupant le son. Ceci dit, l'énergie que déploie la dame à partager l'album produirait sans doute les mêmes effets avec n'importe quel autre livre.
Comprenez-moi bien. J'aime beaucoup ces 4 albums. Vraiment. Je trouve l'idée épatante d'un point de vue littéraire. C'est de la littérature de jeunesse au sens noble du terme. Pas besoin de justification. La justification alourdit l'objet, amoindrit le propos.
Cette série est magnifique, innovante, décoiffante. N'est-ce pas suffisant ?

Thierry Dedieu
Dans sa maison un grand cerf
Triangle de l'hypoténuse
Tas de riz, tas de rats
Un roc pic un cap péninsule
Seuil Jeunesse
mars 2015

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le chevalier de Ventre-à-terre

Publié le par Za

Oyez, oyez !

le chevalier de Ventre-à-terre

Après le lapin, le chat, les autruches, le champignon, le singe, l'édredon même...

le chevalier de Ventre-à-terre

... Gilles Bachelet s'attaque aujourd'hui à l'escargot, proie peu farouche s'il en est. Cèderait-il à la facilité ? Que nenni ! Car cet escargot-là est des plus rétifs. En effet, il porte armure et lance, arbore un oriflamme. Qui s'y frotte, s'y englue ! Force est d'admettre que ce chevalier est un fier animal, vif, noble, fougueux, racé, portant haut le haume, ne ménageant pas ses efforts. Et même si la journée traine un brin en longueur, il est tout de même passionnant de suivre le sire de Ventre-à-terre en route vers le champ de bataille. Enfin, de bataille... Vers le champ, dirons-nous.

Où est Charlie ?

Où est Charlie ?

Vous l'aurez compris, la désopilance de cet album tient au décalage franc et massif entre le texte et l'image.
Au premier chant du coq, le chevalier de Ventre-à-terre ouvre un oeil et s'exclame: "Pas une minute à perdre ! Pas une minute à perdre !" C'est la guerre. L'armée du chevalier de Corne-Molle, son ennemi juré, a envahi son carré de fraisiers. L'affaire ne peut se régler que par une bataille sanglante et sans merci.
Non mais.
Cependant, c'est sans compter avec le saint patron de notre héros, Saint-Procrastin, dont on peut admirer la représentation sur cette image - où l'on découvre, par la même occasion que les temps ont beau changer, le gastéropode renvoie néanmoins l'homme à ses propres failles. Si, si, je vous jure.

le chevalier de Ventre-à-terre

Non, sérieusement - ça va être coton, mais je tente... Chaque page, chaque illustrations est l'occasion de moult éclats de rire, le calendrier des pompiers dans un coin de la cuisine, la lunch box Hello Kitty, l'ombre de Don Quichotte, l'hommage à Tomi Ungerer et à d'autres illustrateurs respectables, sans parler de purs moments de bravoures, ce champ de bataille qui ne manquera pas de faire frémir les plus sensibles d'entre vous. 
Car avant de vous engager dans cette lecture, soyez conscient du chemin à parcourir, sachez que les images de Gilles Bachelet s'explorent. Elles nécessitent des aller-retours, des lectures approfondies. Oui, elles se méritent. On ne rigole pas avec la rigolade. C'est comme ça. Et c'est un tel plaisir de dénicher les références, les incongruités, les hommages, les clins d'oeil... Tous témoignent de la malice de Monsieur Bachelet. Voilà, c'est ça ! Le chevalier de Ventre-à-terre est un album malicieux.
Mais je réalise que j'en deviens intarrissable.
Je concluerai donc enfin par cet envoi bien senti :

Vous qui suivez fidèlement la page FB de Gilles Bachelet,
lisez ce livre !
Si les prénoms délicieux de Kevin et Humphey vous font pouffer de rire,
lisez ce livre !
Et si ces deux recommandations vous laissent froids,
lisez ce livre quand même, par Saint-Procrastin !
Et prêtez allégeance à messire Bachelet sur le champ,
tas de manants que vous êtes !

Et je veux un papier peint Pomelo moi aussi !

Le chevalier de Ventre-à-terre
Gilles Bachelet
Seuil Jeunesse
novembre 2014

le chevalier de Ventre-à-terre

Un dernier mot, je tenais à remercier Gilles Bachelet pour l'hommage discret rendu à un gastéropode aujourd'hui presque tombé dans l'oubli, mais dont certains entretiennent le souvenir vif et ému...

le chevalier de Ventre-à-terre
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Charles apprenti dragon

Publié le par Za

Charles est ici chez lui, c'est un ami de la famille. Le dragonnet grandit lentement, le petit d'homme beaucoup plus vite. Mais la fidélité qui lie les deux bestioles est très solide.

Charles apprenti dragon
Charles apprenti dragon

Charles prend aujourd'hui de l'épaisseur avec cette réédition des deux premiers albums, augmentée de suppléments tout à fait délicieux. Comme d'habitude, on ne peut tout avoir. Ce livre est plus petit que les premières éditions, mais le format reste raisonnable et ceux qui découvriraient Charles aujourd'hui ne seraient pas tout à fait lésés.

Et puis il y a les Mémoires d'un jeune dragon...

Charles apprenti dragon

Charles est déjà doté d'un solide talent de poète, personne ne l'a oublié.

J'ai le corps d'une gazelle mais je suis un dragon.
Regardez bien mes ailes, écoutez mon jargon...
Voyez mes pieds pareils à deux grosses pastèques,
N'importe quel orteil, je le transforme en steak.

Ses aventures lui ont inspiré bien d'autres vers, mais le voici aujourd'hui tenté de prendre le crayon et de dessiner.

Charles apprenti dragon

Essais, croquis, chemin de fer, premiers encrages avant la couleur, autant d'incursions dans l'art du dessinateur Philippe-Henri Turin, qui montrent les différentes étapes conduisant aux superbes aventures de Charles. C'est un travail d'orfèvre qui nous est offert.

Charles apprenti dragon

Charles se dévoile à travers une série de portraits, d'expressions, de regards, de clins d'oeil, de petits textes qui prolongent la complicité créée au fil du temps avec le petit héros aux grands pieds. Parce qu'il en a fait du chemin, notre Charles depuis la publication du premier album ! Traduit aux quatre coins du monde, il en a parcouru des paysages, il en a fait des rencontres !

Charles apprenti dragon

Et cet horizon plein de promesses en offrira d'autres, soyez-en sûrs ! D'autres promesses de belles images, de beau livre à venir qui se profilent à la fin de ce carnet. Mais à qui peut bien appartenir ce profil peu commun...

Charles apprenti dragon

Charles apprenti dragon
Alex Cousseau & Philippe-Henri Turin

Seuil Jeunesse, octobre 2014


 

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je suis le chien qui court

Publié le par Za

Je suis celui qui prend la nuit à rebrousse-poil.

je suis le chien qui court

Un album comme un geste poétique. Un album enveloppant où deux matières, deux techniques se côtoient, plume et huile. Les traits par milliers donnent des airs de gravures à la ville, à la route, au bord de mer. Le crépuscule est noir et blanc. Le chien est dense, flamboyant. Et il court. En chemin, les animaux s'effraient, lui emboîtent parfois le pas. La chouette l'accompagne. Ils se hâtent vers la nuit qui tombe, vers le blockhaus planté sur la plage où l'enfant attend. A eux trois, ils redonnent avec confiance des couleurs à la nuit, une nuit qui n'a plus rien d'effrayant.

je suis le chien qui court
je suis le chien qui court

Les images de Marc Daniau frappent par leur singularité, leur mouvement permanent. Le texte est sobre, minimal, haletant. Il traduit les pensées de celui qui est tour à tour le chien, l'oiseau et l'enfant, de ces personnages virevoltants, vivants. Je suis le chien qui court est un album envoûtant, sans concession.

Je suis le chien qui court

Marc Daniau

Seuil Jeunesse, 2013

 

Marc Daniau est l'illustrateur de Tous à poil !

Vous pouvez admirer son travail sur son site.

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Баба-Яга / baba yaga # 2

Publié le par Za

Babayaga n'avait qu'une seule dent.
Et c'est probablement cela qui l'avait rendue si méchante
.

Ainsi débute le texte de Taï-Marc Le Thanh, qui plonge dans l'enfance de l'ogresse à la recherche de ce qui avait bien pu gâter son caractère. En butte aux moqueries de ses camarades, la petite Babayaga, bien seule, choisit une option un brin radicale : elle deviendra ogresse. Ogresse et solitaire.

Баба-Яга / baba yaga # 2

Oh, elle a bien ouvert un restaurant, dont le nom poétique mettrait l'eau à la bouche à bien des croque-mitaines : "Au bambin qui rissole"... Toutes les étapes du conte sont là, la petite Miette doit échapper au chat, aux chiens mal embouchés, à l'arbre entreprenant. Mais c'est un crapaud qui la conseille. Et Babayaga, bien qu'affamée, finira l'histoire bien piteusement.

Баба-Яга / baba yaga # 2

Rébecca Dautremer enrobe cette histoire de ses rouges si reconnaissables, mais aussi d'ombres tout à fait angoissantes. Miette a les rondeurs d'une matriochka. Elle traverse cette aventure comme si elle connaissait déjà la fin de l'histoire, presque avec sérénité. Son allure en fait le pendant enfantin de Babayaga, ce qu'elle aurait pu être si elle avait eu d'autres dents...

Le texte prend des libertés salvatrices avec le conte original, y glisse des traits d'humour, humanise la sorcière, là où elle est habituellement une créature purement malfaisante mue par son appétit. Elle a finalement l'air aussi malheureuse que cruelle.

Babayaga

Taï-Marc Le Thanh & Rébecca Dautremer

Gautier-Languereau, 2003

 

 

Depuis le Bal des échassiers, on l'attendait. On trépignait même un peu. Bien fait pour lui. Il fallait pas commencer si fort, si beau. Alors, il ressemble à quoi, le nouvel Echegoyen ?

Баба-Яга / baba yaga # 2

Paul Echegoyen transforme Baba Yaga en araignée avide et patiente, tissant sa toile telle une broderie précieuse, autour de Vassilissa. On passe sans transition de la lumière dorée jouant dans les cheveux de la blondinette aux joues roses à la forêt sombre où seules quelques lueurs vous fixent de leurs regards inquiétants. Mais dès que l'on pénètre dans le monde de l'ogresse, le dessin gagne en profondeur, en matière. Les détails apparaissent, fourmille, inquiètent. Et au milieu trône une créature qui n'a rien d'humain. Pas plus que la servante, d'ailleurs, verte bestiole aux grands yeux émerveillés. Rien ne ressemble plus à quoi que ce soit de connu.

Le grand format de l'album permet au lecteur de s'immerger dans cet univers qui fait la part belle aux motifs des tissus, où tout - branches, cheveux - se transforme en fibre qui pourrait être tissée, brodée, jusqu'à l'étouffement.

Le texte de Claude Clément suit la trame du conte, dans une langue classique qui tangue parfois au balancement de rimes discrètes.

Soyons sûr qu'il n'y aura pas que le Cabas à attendre le prochain Echegoyen...

Baba Yaga

Claude Clément & Paul Echegoyen

Seuil Jeunesse, 2013

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Баба-Яга / baba yaga # 1

Publié le par Za

Le conte de Baba Yaga est un classique parmi les classiques Des adaptations de ce conte russe, dans toutes ses versions paossibles, il y en a des charrettes. On en connait les figures imposées : la maison montée sur pattes de poule (flippant), le mortier ambulant à propulsion de pilon (pas rassurant), les chiens féroces (j'aime pas), le portail qui grince (pour l'ambiance), le bouleau taquin (ouille !)... Mais ce que je préfère, j'avoue, ce sont les crânes aux yeux ardents, dans le genre déco joyeuse, on n'a guère fait mieux depuis.

J'en ai quatre versions sous le coude, je vous propose donc d'aller allègrement à la rencontre de l'ogresse, passez devant, je vous suis.
Parce que la première, c'est celle d'Ivan Bilibin (1876-1942).

Баба-Яга / baba yaga   # 1

La Baba Yaga de Bilibin est d'une réalité effrayante. Elle est sèche, impitoyable. Vassilissa est une jeune femme, à cent lieues d'Hansel et Gretel, du Chaperon rouge. On ne sait où donner du regard. Chaque image est enluminée avec soin, chaque détail est traité avec le même respect. L'illustration témoigne en ethnologue, décrit en entomologiste. On est évidemment plus proche de la terreur pure que du conte gentillet. Car il était question de transmettre à tous - et pas seulement aux enfants - un conte traditionnel.

Contes russes

illustrés par Ivan Bilibin(e)

(vous trouverez les deux orthographes)

Seuil Jeunesse

réédition à paraître le 20 mars 2014

Баба-Яга / baba yaga   # 1

Nathalie Parain illustre le conte en 1932. Il est publié simultanément aux Etats-Unis et en France, par Flammarion pour les albums du Père Castor. Une économie de moyens admirable, blanc et noir, rouge, brun, vert, pas de fond, de décor, chaque élément codifie le texte comme un pictogramme. Le dessin participe de la mise en page, gagne le texte parfois pour lui laisser ensuite toute la place. La couverture rassurante semble présenter le conte comme cette petite chanson qui accompagne la ronde. On dirait qu'il y aurait une sorcière, mais on sait au fond que ça n'existe pas.

Баба-Яга / baba yaga   # 1

Le texte de cet album est proprement surprenant. Il s'agit d'une traduction du conte russe de 1932 qui accompagnait l'édition américaine, l'album du Père Castor était, pour sa part accompagné d'un texte de Rose Celli qui sera ensuité réédité deux fois mais avec d'autres illustrations chaque fois. La version russe, donc, de Nadiejda Teffi, traduit par Françoise Morvan est une pure merveille, faite pour être entendu, même par soi-même si l'on est seul.

Elle rage, elle tonne contre le chat : d'avoir attendu toute la matinée, elle a une faim de loup, elle veut manger la petite. La voilà qui se met à battre le chat. Et que je te le rosse, et que je te le cogne et que je te rogne et que je te grogne :

- Sale chat, sale voleur, comment as-tu osé laisser sortir la fille sans lui crever les yeux ?

Lisez-le à haute voix si vous le rencontrez, c'est une surprise permanente. Des phrases qui roulent seules, dans une langue collant à l'oralité, ménageant le suspens de la poursuite, savourant les échanges de Baba Yaga avec ses serviteurs si mal traités.

A peine a-t-elle touché l'herbe que la serviette se déploie en rivière large, large comme la mer - même en trois jours, on ne la passerait pas.
Arrivée au bord de la rivière, la Yaga regarde... Que faire ? En mortier de cuivre, comment naviguer ? Elle grince des dents, cogne du pilon, rebrousse chemin, et roule et roule, rentre chez elle, rassemble ses boeufs, les mène à la rivière et leur ordonne de boire.

Ils ont bu, les boeufs, ils ont bu, ils n'ont pas laissé une goutte dans la rivière.

C'est dans ce contraste entre la rudesse des mots et la sobriété des images, c'est dans cet espace que se loge le travail du lecteur qui fera le lien, remplira les vides laissés volontairement. C'est aussi ce qui rend cet album - créé il y a plus de quatre-vingts ans - résolument moderne, intemporel, indispensable.

Pour en voir plus, rendez-vous sur l'excellent site de Cligne-Cligne Magazine !

Baba Yaga

dessins de Nathalie Parain

première édition en français : Père Castor-Flammarion, 1932

texte de Nadiejda Teffi, première édition en russe : YMCA-Press, 1932

traduction de Françoise Morvan

éditions MeMo, septembre 2010

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