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le griffon et le petit chanoine

Publié le par Za

Vous le connaissiez, celui-là ? 

 

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J'en avais aperçu des bribes, une allusion par-ci, une image par-là. Il se dérobait toujours, m'échappait. Il était épuisé, absent des bibliothèques écumées de fond en comble. Et puis, c'est comme tout, à force d'entêtement, j'ai fini par le coincer dans un coin. Ça y est. Il est mien. Qui me verrait me prendrait sans doute pour une folle. Subrepticement, je le renifle - personne ne m'a vue. Je fais durer encore un peu l'avant-joie. Vous connaissez ma théorie qui veut que c'est souvent meilleur avant.

Allez zou, allons-y !

 

La couverture d'abord. Un peu chagrinée dans les coins, elle a vécu. Les couleurs ne subsistent que sur la quatrième. Devant, le rose du bandeau a disparu, les couleurs des colonnes aussi. Au dos, il y a encore une petite étiquette marquée 48F00. Le format est épatant, carré, 20x20, 56 pages.

 

titre original: "The Griffin and the Minor Canon" (Holt, Rinehart and Winston, New-York)

1963 Maurice Sendak pour les illustrations

 

1963, l'année de Max et les Maximonstres, le chef-d'oeuvre des chef-d'oeuvres.

 

L'album s'ouvre sur un avant-propos de Sendak lui-même, qui rappelle d'où vient ce texte et, surtout, pourquoi il est allé coller des pattes arrières au griffon alors que l'auteur, Franck R. Stockton, l'en avait dépourvu dans sa description. Mais au-delà de ce détail, c'est sa conception du travail d'illustration qu'il nous offre.

Je voulais plutôt laisser l'histoire parler d'elle-même, avec mes dessins en accompagnement musical. La musique devait être juste, du meilleur goût et toujours en harmonie avec le texte.

 

Voici donc l'histoire d'un griffon, le dernier des griffons, qui ne sait pas à quoi il ressemble. Apprenant qu'il existe une statue de lui au-dessus du porche d'une église, il décide de se rendre sur place pour y contempler son image. Imaginez l'effroi des habitants de la ville ! On s'adresse alors au chanoine de l'église, un petit ecclésiastique avisé, une grande âme toujours prête à rendre service. Pas plus rassuré que les autres, il finit tout de même par aller au-devant de la bête. Son ingéniosité réussit un temps à contenir la curiosité du griffon.. Un temps seulement.

 

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Le griffon finit par s'immiscer dans la vie des citadins, s'entichant du petit chanoine au point de le suivre partout, des visites aux malades jusqu'à l'école. Il faut cependant savoir que l'appétit de cet encombrant animal quoique redoutable, ne s'exprime que deux fois l'an, aux équinoxes. La date fatidique approchant, le chanoine est banni, dans l'espoir que le griffon le suivra. Espoir vain, la bestiole ayant décidé de remplacer le religieux dans ses taches quotidiennes...

 

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Tout le sel de cette histoire réside dans l'incompréhension des humains prêtant des sentiments au griffon, prenant pour de l'amitié ce qui n'était peut-être que de la gourmandise...

 

"D'après ce que j'ai vu des gens de cette ville", dit le monstre, "je ne pense pas pouvoir apprécier un dîner préparé par leurs soins. Ils me semblent tous lâches et minables donc égoïstes. Quant à manger l'un d'eux, vieux ou jeune, je n'y songe pas pour le moment. En fait, la seule créature pour laquelle j'aurais eu quelque appétit, était le Petit Chanoine qui est parti. Il était courageux, bon et honnête et je pense que je l'aurais savouré."

 

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Mais quelle merveille que ce livre !

Le texte de Stockton, est publié pour la première fois aux États-Unis dans la revue Saint Nicolas, quelque part entre 1873 et 1881. Son ton et sa sagesse inscrivent d'emblée l'histoire dans un temps hors du temps. Sendak lui, choisit de lui offrir une ville d'Europe du Nord un brin médiévale.

 

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Ses dessins tiennent parfois de l'enluminure. Ils s'installent en marge, entre deux paragraphes.

 

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La première image du griffon et celle de son départ envahissent la double page et se parent de la délicatesse des gravures de la Renaissance.

 

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À aucun moment l'illustration n'écrase le texte et ne se met en avant. L'histoire se déroule avec fluidité entre les images qui lui apporte ce brin d'humour indispensable à toute fable. Vous l'aurez compris, ce livre est un trésor, témoin précieux de l'art, du talent immense de Maurice Sendak.

 

Le griffon et le petit chanoine

Franck R. Stockton

images de Maurice Sendak

l'école des loisirs, 1980

(première publication 1963)

 

 

 

vintage

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brindille

Publié le par Za

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Brindille est une fille, gracile, pas docile. Et lorsqu'on vit dans un monde d'hommes, entre un père et trois frère, autant savoir jouer des coudes. Et s'ils sont pointus, ces coudes, c'est encore mieux ! Pour apprendre à se battre, quoi de mieux que la boxe ? La vraie, avec des gants, celle où l'on croise rarement des filles, mais qu'importe !

 

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Il arrive parfois, mais c'est finalement relativement rare, qu'on croise un album où rien ne manque, un livre qui a tout : l'histoire, le texte, le dessin, la couleur, la mise en page, l'intention. Et dieu sait si j'emploie ce dernier mot avec des pincettes. L'intention, le message, lorsqu'ils sont trop visibles, trop marqués, c'est un peu comme une très jolie fille (si vous aimez les filles), ou un joli garçon (si c'est plus votre came) dont le sourire enjoleur serait encombré d'un bout de salade, d'un relief de persil. Brindille manie la revendication féministe avec délicatesse. Car si les garçons se mettent à la lessive, la frêle Pavlina retournera à son piano, non sans avoir gagné le match. Elle aura fait ses preuves, et c'est tout.

 

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Rien n'est simple dans cette histoire. Les personnages sont profonds et justes, en deux dessins, en quelques mots, tout est dit. Le père, émigré russe, ancien mineur, chauffeur de taxi, épuisé par son travail est infiniment touchant. Et l'entraineur, discret et bienveillant, et les frères, lourdauds mais pas tant que ça... Tous les personnages sont traités avec finesse et respect.

 

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Le dessin de Rémi Courgeon déborde de l'énergie et du caractère bien trempé de son héroïne. Le graphisme accompagne très efficacement le propos, à l'image du texte qui s'orne d'une lettrine de circonstance. Brindille est un album très attachant, optimiste et positif !

 

Brindille

Rémi Courgeon

Milan, octobre 2012

 

Pour en voir davantage, jetez un oeil ici,

c'est le blog de Rémi Courgeon.

 

Publié dans albums, Rémi Courgeon, Milan

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le héron et l'escargot

Publié le par Za

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Monsieur le Doyen de la Faculté,

éminents confrères,

 

Il est grand temps !

Il est même plus que temps ! Plus tard serait trop tard. Oui, chers confrères aujourd'hui réunis, il est urgent d'étudier ce cas étrange et qui défie toute logique : le cas Mathilde Magnan. Voici, messieurs, mesdames, une jeune femme  qui l'air de rien, en s'excusant presque, vient de balancer un album dans la mare, qui dis-je, un pavé dans le marigot !

Armée de son seul crayon, mais encore nous faudra-t-il un jour examiner le-dit crayon, mademoiselle Magnan vient de donner vie à un héron. Un héron cendré, ardea cinerea de la plus belle espèce, qui semble à chaque page s'affranchir du papier, un oiseau qui nous scrute de son oeil vif avant de s'envoler. Chaque double-page, impeccablement construite, nous le donne à voir sous un angle différent, la patte affûtée, l'aigrette insolente. Le crayon précis des plumes contraste avec un arrière-plan juste esquissé, parfois abstrait, diffus, aux couleurs automnales évoquant la terre, la feuille morte. Et que dire de cet escargot, passablement ahuri, cet escargot au pied si réalistement rendu, aux replis peu ragoûtants - quoique alléchants pour certains. N'oublions pas le texte qui se balade au gré des pages, élégamment vêtu d'une police d'écriture tout à fait dans le ton.

 

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Alors, comment tout cela est-il possible, chers confrères ? J'avoue n'y rien comprendre. Ah, mes infortunés amis, je vous dois la vérité. Ce n'est pas un cas mais deux que je soumets à votre sagacité. Car ces animaux parlent. Oui, m'entendez-vous, ils parlent ! Grâce à Marie-France Chevron, ces bestioles s'expriment comme vous et moi. Enfin mieux que vous et moi, car ils manient la rime avec élégance et choisissent leurs mots avec plus de soin que vous n'en apporterez jamais, le matin, au choix de votre cravate. Dans un vertigineux procédé, le héron et l'escargot dialoguent à travers la voix d'une grenouille qui conte leur histoire. Et quelle est cette fable que leur souffle Marie-France Chevron ? Que la loi de la nature, aussi dure soit-elle, demeure intangible. Qu'un héron, fût-il oiseau de papier, n'en demeure pas moins un prédateur. Qu'un escargot, même s'il a eu le bonheur de s'envoyer en l'air avant son trépas - et vous me pardonnerez ce trait scabreux - n'en demeure pas moins comestible. 

 

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Voilà pourquoi je vous ai réunis. Pour que vous m'aidiez à comprendre par quel miracle ces deux personnes, par ailleurs tout à fait respectables, ont réussi ce genre d'album à la fois classique et terriblement moderne. Il faut évidemment associer à ce travail magnifique leur éditeur audacieux autant qu'il est exigeant. Pour terminer, je vais faire circuler parmi vous mon propre exemplaire de cet album. Avant de l'ouvrir, vous veillerez, s'il vous plaît, à vérifier que vous avez les mains propres.

Ben quoi ?

 

Marie-France Chevron & Mathilde Magnan

Le héron et l'escargot

éditions courtes et longues

février 2013

 

 

 

 

petit aparté...

également dans le catalogue

des éditions Courtes et longues,

ce livre consacré aux photos de Félix Thiollier.

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Thomas Galifot

Félix Thiollier, photographies

novembre 2012

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le petit Guili

Publié le par Za

C'est avec émotion que nous avons acheté ce livre ce matin. Un mélange de joie et de gravité, bizarre, comme un sourire triste.

 

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Le petit Guili est une fable. Une fable sur le pouvoir, l'ivresse des hauteurs, et peut-être le besoin de revanche d'un être marqué par sa petite taille. Car être le roi des animaux ne suffit pas, encore faut-il être cruel. L'histoire est forte et manie l'ironie avec finesse. À sa manière, Guili, le petit oiseau, le plus fragile de tous, montrera que le roi est nu et que le pouvoir s'accommode fort bien de l'absurdité.

 

On croyait bien connaître les images, le style de Mario Ramos. On se trompait. Pour cet album, il avait décidé de nous surprendre.

 

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Le trait est certes reconnaissable mais le traitement de l'image l'est moins. Collage, épure, personnages seuls sur fond blanc, peinture brute, envolée de pinceau, traits de crayons au premier plan, éclaboussures. L'album est traversé d'un souffle graphique évident. Et on pourrait encore parler de l'utilisation de la couleur, par grands à-plats, comme autant de cieux et de murailles, le fond blanc ne cédant sa place que pour mieux souligner le coup d'éclat du petit oiseau. 

 

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Et le texte n'est pas en reste, qui ne cache rien de la cruauté du monarque.

 

Alors Léon devint cruel.

Très cruel.

Plus il était méchant,

plus il était grand,

terriblement grand.

Debout sur son trône,

il changeait les lois suivant son humeur.

Les animaux commencèrent à avoir peur.

Un jour, il inventa une loi

qui interdisait aux oiseaux de voler.

Les parents étaient obligés de briser eux-mêmes

mes ailes de leurs petits à la naissance.

La révolte commença à gronder.

 

Le petit Guili est un album marquant et peut être abordé avec des enfants très jeunes. Le questionnement est amené de manière franche et la manière dont l'oisillon bouleverse le monde est franchement réjouissante.

 

Le petit Guili

Mario Ramos

Pastel / l'École des loisirs

mars 2013

 

Retrouvez cet album chez Carole

et dans la Mare aux mots.

Publié dans albums, Mario Ramos, Pastel

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Lika aux cheveux longs

Publié le par Za

Il faudrait d'abord prendre son temps et pas ouvrir trop vite ce si bel album.

 

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Profiter un peu de la magnifique couverture toilée, du titre imprimé en creux et doré, du portrait aérien, délicat, fragile de l'héroïne de Matayoshi, mi-humaine, mi-elfe, ses longs cheveux flottant au vent. Tout est dit dès la couverture. Voici un objet précieux, une vraie réussite éditoriale, une histoire à lire au calme, le soir, après s'être assurés qu'on ne serait pas dérangés.

 

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Lika et sa grand-mère vivent modestement de la vente de fleurs séchées parfumées - il faudrait trouver une autre appellation que le mot pot-pourri, décidément pas terrible. Parfois, elles reçoivent la visite d'un petit garçon très gourmand, attiré par les succulent gâteaux de la vieille dame. Les temps sont durs et le coiffeur du village lorgne sur les magnifiques cheveux de Lika, et  lui en offre de quoi la mettre à l'abri du besoin, de quoi protéger les vieux jours de sa grand-mère.

 

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Je ne vous en dirai pas plus. Sachez que ce que l'on croit voir, savoir, n'est pas toujours sûr, et que le courage, le dévouement seront récompensés. Une histoire classique qui pourrait figurer parmi les contes des frères Grimm. Le texte de  Yûji Kanno - et la traduction de Fédoua Lamodière - entraînent Lika du côté des classiques, de ces histoires impeccablement construites, envoûtantes, sans pour autant avoir recours au spectaculaire. La magie est ici un surnaturel quotidien, celui des petites divinités domestiques. De la même manière, les images de Matayoshi s'attachent aux attitudes, parfois aux regards mais pas toujours. Il n'est qu'à voir la scène où Lika demande à sa grand-mère la recette de ses gâteaux : le visage de la vieille femme est masquée par le dos de la petite fille. Pourtant tout y est dit de la tendresse et de la douceur qui unit les deux personnages.

Lika aux longs cheveux est un album à la fois raffiné et fort, superbement édité !

 

Lika aux cheveux longs

Yûji Kanno & Matayoshi

traduit du japonais par Fédoua Lamodière

éditions nobi nobi !

février 2013

 

Par ici, par là,

les billets de mes complices

à l'Ombre du grand arbre,

Dorota et Sophie.

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grand loup et petit loup

Publié le par Za

Voici un classique, un vrai, de ceux qu'on lit et relit, qui met tout le monde d'accord. Mais un classique vivant. Un bijou d'intelligence, de poésie. Ça ira pour la dithyrambe ou vous en voulez encore ? Parce que je peux encore fournir ! Et du pensé, du sincère, du pesé, soupesé, réfléchi, vécu.

 

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Auprès de son arbre, grand loup vivait heureux. Pas l'intention de s'en éloigner, de son arbre. Pour rencontrer grand loup, il faut venir à lui. Et c'est ce qui arrive. Un point bleu à l'horizon, un petit loup, un tout petit, tellement petit qu'on n'aurait pas besoin de lui parler. Un petit loup presque insignifiant. Mais pas tant que ça finalement, parce que le lien se crée et lorsque petit loup s'éloigne, il laisse un grand vide. Car tout était meilleur avec lui.

 

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Le texte de Nadine Brun-Cosme est toute en retenue, en mots de tous les jours, sans effets ni fioritures et il est parfait. Adoptant un bel unisson, Olivier Tallec l'accompagne d'images fortes et vivantes. Il y est question de regard et d'expression. Les sentiments de grand loup passent dans ses yeux, courent jusqu'au bout de son museau.

 

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Les couleurs suivent le cours des saisons, envoient du vert, du jaune, plantent le tronc de l'arbre en un rouge énergique. Le pinceau se mêle au crayon. Grand loup est un corps de traits mouvants, là où petit loup est un morceau de bleu compact et intense.

 

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De la sensibilité mais sans mièvrerie, de la douceur mais sans mollesse. On l'a relu l'autre soir, et la même émotion étreint toujours discrètement les dernières pages.

 

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Nadine Brun-Cosme & Olivier Tallec

les albums du Père Castor

2005

 

Pépita nous parle ici de la trilogie Grand loup & petit loup...

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fleur de lune

Publié le par Za

Mr Ribblestone vit seul sur une île. Il est aux commandes d'un jardin bien en ordre, dûment étiqueté. La lumière y est parfaite et chaque insecte, chaque animal y a un nom. Si désordre il y a, sa luxuriance est maîtrisée, percée de passages secrets connus seulement du maître des lieux.

Un jour pourtant, la quiétude du jardin est troublée par une plante minuscule. Un plant de rien du tout qui a poussé sans autorisation, et qui croit et se développe de manière inhabituelle. L'ordre du jardin en est bouleversé. Mr Ribblestone aussi, qui va devoir se laisser embarquer par le merveilleux, le pas prévu.

Voici la trame toute simple du texte fouillé et minutieux d'Einar Turkowski. Mais même sans le texte, sans l'histoire proprement dite, cet album m'aurait accrochée. Voyez la couverture et revenez me voir dans un quart d'heure qu'on en cause.

Si vous n'y êtes pas perdu.

Et lâchez mon livre.

Tout de suite.

 

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Une pure folie de détails, d'enluminure, de fioritures, où la machine et la plante se mêlent si intimement, dans un univers si touffu, qu'elles finissent par se confondre. Et c'est sans parler des bestioles qui grouillent et volettent à un tel point que le dessin en devient bourdonnant.

 

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Et le vent ! Le vent qui secoue tout ça régulièrement, soulève les pollens, envoie valser l'agencement des choses et des êtres. Chaque arbre est unique ou, en tout cas, traité comme tel. Le feuillage, les écorces, tout tend vers le bruissement. C'est l'album le plus sonore que j'aie jamais vu !

 

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Einar Turkowski vient de faire une entrée fracassante dans ma bibliothèque, directement au rayon des présssieux ! Je ne me lasse pas de cet album au trait inquiétant à force d'être parfait. Le travail d'édition parachève le tout : la blancheur du papier ni glacé ni trop mat, le noir brillant et sans fin... Volume, profondeur, relief, nuances de gris, recoins à se perdre. Et je prends l'escalier illico pour voir ce qui se trouve au bout.

 

Einar Turkowski

Fleur de lune

(Die Mondblume)

texte français de Christophe Le Masne

Autrement Jeunesse, 2009

 

Jetez un oeil au site d'Einar Turkowski !

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monsieur Pompon, sculpteur

Publié le par Za

Il y avait eu cette affiche, cette exposition et la régulière visite à un vieil ami du Muséum d'Histoire Naturelle...


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A-t-on idée de s'appeler Pompon...

François Pompon,

fils d'Alban Pompon,

frère jumeau d'Hector Pompon,

mari de Berthe Velain, qui devient Berthe Pompon.

Belles bacchantes, poil au menton.

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Émergeant d'un sommeil long,

l'ours polaire trouve un Pygmalion

et se cale au Panthéon.

Il est là, l'air grognon,

absorbé, malicieux, c'est selon.

L'essence même de l'ours, campé sur ses harpions.

Belles bacchantes, poil au menton.

 

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©wikipedia

Pompon trace un sillon fécond

dans le gigantesque court-bouillon

de son imagination.

La célébrité, les ovations,

sont de dérisoires trompe-couillons

lorsqu'ils attaquent à l'âge de la béatification.

L'inspiration de Pompon

s'attache davantage au croupion

des oiseaux qu'aux modèles de saison.

Belles bacchantes, poil au menton.

 

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carte RMN

 

Le volume est rond,

sourde vibration,

harmonieux plongeon,

serein et profond,

abandon,

discrète explosion.

Un style sans comparaison,

moderne et sans façon.

 

A-t-on idée de s'appeler Pompon...

François Pompon,

fils d'Alban Pompon,

frère jumeau d'Hector Pompon

mari de Berthe Velain, qui devient Berthe Pompon.

Belles bacchantes, poil au menton.

photo 2

 

 

Pour initier vos minuscules à l'art de monsieur Pompon,

je ne saurais trop vous conseiller cet excellent album :

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Publié dans plein les mirettes

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ligne 135

Publié le par Za

Il y a des jours où la petite musique d'un livre, entêtante et douce, devient légèrement obsédante et se suffit à elle-même. Il y a des jours comme ça où je n'ai pas envie de faire ma maligne, où je n'ai pas envie de faire ma brillante, de faire péter le mot, de faire claquer la phrase. J'ai lu cet album à la librairie, puis je l'ai refermé et je l'ai pris. Il était immédiatement devenu mien.

 

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Une fillette quitte sa mère sur un quai de gare, et monte à bord d'un monorail pour rendre visite à sa mère-grand qui vit à la campagne. Et c'est tout. Et ça suffit. Pas de galette ni de pot de beurre, juste le voyage. Mais quel voyage !

 

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Dix-huit doubles pages d'un long format à l'italienne traversé d'une simple ligne horizontale. De la grande ville jusqu'à la lointaine campagne, la ligne 135 conduit la petite fille à travers des paysages en noir et blanc, juste au trait, le trait délicat d'Albertine.

Les trois wagons plantés au milieu de la page sont vert. D'un vert qui prête à débat.

- Tu vois ça vert ou jaune, toi ?

- Vert.

- Ouais, vert.

- Sur la couverture, à la lumière, je dirais plutôt jaune, mais là, c'est vert.

- Ça m'arrange, vert.

Vert, donc. Un vert énergique et éclatant, qu'on retrouve sur les pages de garde et la tranche de l'album.

 

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Au fur et à mesure du voyage, alors qu'on s'enfonce dans une nature de plus en plus présente, une belle étrangeté s'immisce dans le dessin, sous la forme d'animaux bienveillants et bizarres, de constructions branlantes, de centaines de fleurs dansant au gré du vent.

 

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Le texte de Germano Zullo éclate d'économie, de minimalisme parfait. Car il n'est ici question que du déroulement de la vie, de ce qu'on en comprend pendant qu'elle défile, de ce qu'on y met pendant qu'elle file. Et on en vient à douter que le train avance vraiment, on en vient à se demander si ce n'est pas simplement le monde qui court autour du train. Le train, réminiscence d'un voyage au Japon, emporte l'enfant d'un lieu à l'autre, d'un âge à l'autre.

 

Comme avec les Oiseaux, Albertine et Germano Zullo transcendent allègrement les catégories d'âge qu'on tenterait de plaquer sur leur travail. On se fiche éperdument de savoir à qui cet album est destiné. Ou plutôt non, il est simplement destiné à qui l'aimera, à qui saura goûter cette oeuvre sensible, fine, bouleversante, au lecteur qui se penche sur le chemin parcouru, au lecteur qui devine la route encore à faire...

 

Ma mère et ma grand-mère disent que je suis de toute façon bien trop petite pour contenir l'entier du monde.

Ma mère et ma grand-mère disent que c'est déjà tellement difficile d'apprendre à faire le tour de soi-même.

Je ne comprends pas toujours très bien ce que disent ma mère et ma grand-mère.

 

ligne 135

Germano Zullo & Albertine

La joie de lire, 2012

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l'oiseau arlequin

Publié le par Za

Le troglodyte mignon...

Ce nom d'oiseau m'a toujours émue, et pourtant, c'est que dalle, un troglodyte mignon ! Quelque chose comme 10 grammes de plumes brunes, discret, mais quel nom... Voici donc l'origine de ce petit oiseau, un conte birman, mis en mots par Pascale Maret et illustré par Delphine Jacquot.

 

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Au début du monde était le Lion. Et le Dragon-Serpent. Ils se partageaient la Terre et la Mer. Et s'ignoraient, ce qui, comme chacun sait, est la condition inconditionnelle à la paix. Ceci dit, le Lion régnait visiblement avec plus de gentillesse que le Dragon-Serpent, qui n'avait pas l'air commode pour deux sous. Pour se rafraîchir, un jour de grande chaleur, le lion commet l'irréparable : il se baigne. Horreur !

 

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L'oiseau arlequin est un de ces contes de début du monde où les animaux parlent et sauvent le monde bien mieux que Bruce Willis, si vous voulez mon avis ! De ces contes où la modestie, la noblesse, l'ingéniosité, la solidarité font bien plus que tous les muscles de la Terre !

 

Les illustrations de Delphine Jacquot, images arrêtées sur des yeux écarquillés et doux, cernés de khôl, donnent à cette histoire une élégance incroyable. Chaque animal arbore un turban, un  tarbouche, enfin un mini bibi très classieux et qui change tout. Les couleurs sont magnifiques, savante gamme de verts, rouges profonds... Les portraits d'oiseaux, comme prêts pour une course saugrenue digne d'Alice au pays des merveilles, sont extraordinaires !

 

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Ces bestioles, posant pour l'illustratrice sous leur meilleur jour, m'ont rappelé les oiseaux fabuleux d'Audubon, présentés grandeur nature dans un livre immense, aussi démesuré que l'était l'entreprise...

 

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L'oiseau arlequin est un de ces beaux livres d'images où il fait bon s'atttarder, flâner, s'émerveiller...

 

L'oiseau arlequin

Pascale Maret & Delphine Jacquot

éd. Thierry Magnier

2011

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