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issun bôshi

Publié le par Za

Planté au milieu de la vitrine d'une librairie, cet album attire l’œil, on ne voit que lui.

issun bôshi

Quatre couleurs : jaune, orange, bleu et ce vert si discret, si subtil qu'on croirait presque à une illusion. De grands aplats, où la ligne vient jouer l'ombre et le volume.

issun bôshi

Des personnages simplement caractérisés, ce petit Ossun Bôshi presque sans visage, une silhouette perpétuellement en action, la fille du seigneur avec ses airs de Joconde, l'ogre et sa trogne de kabuki... Tout cela est parfaitement maîtrisé, le chaos de la ville, la forêt comme un jardin d’Éden, le fond de l'estomac de l'ogre.

issun bôshi

Ce Tom Pouce japonais est, comme le conte de Grimm, un petit bonhomme débrouillard, un David qui saura vaincre Goliath avant d'embarquer la mignonne. Rien que de très classique, mais, à vrai dire, l'histoire, je m'en fous un peu. Pourtant je pourrais relire cet album des dizaines de fois, tant le travail graphique m'a séchée sur place, disons plutôt : tant l'image transcende le conte - c'est mieux.

issun bôshi

Icinori, un nom pour deux créateurs : Mayumi Otero et Raphaël Urwiller qui creusent un sillon singulier et immédiatement reconnaissable. Leur manière d'utiliser la couleur est unique, leur idée de l'objet-livre - du dessin à l'impression - est passionnante. Il n'est qu'à voir leurs pop-up - fait à la main, tirés à quelques dizaines d'exemplaires. Parce qu'Icinori est aussi un éditeur d'albums, d'images.

Ossun Bôshi est finalement le genre d'album qui me met en joie. Les enfants accrochent à l'histoire (testé) et à l'étrangeté des images - étrangeté dans la masse des images qui leur est habituellement destinée. Et l'adulte qui l'aura peut-être choisi, emprunté, proposé, lu, aura, je l'espère, la sensation d'être tombé sur une pépite, ressentira l'envie d'y goûter à nouveau plus tard, seul et tranquille. Puis, peut-être aura-t-il l'idée de le conserver précieusement, comme un jalon important, la naissance d'un style.

 

Où l'on parle d'Icinori...

... une interview sur Illustrissimo,

          des images d'Issun Bôshi sur le site des auteurs,

                    des images d'un album précédant Jabberwocky d'après Lewis Carroll,

          des images d'une exposition sur l'excellent site de Cligne-cligne,

des images et un excellent article Icinori, zone de création intense sur le site Boum ! Bang !

issun bôshi

Et ne passez pas à côté de l'avant-dernier numéro de l'excellente revue Hors Cadre[s] consacré à la couleur, qui leur a confié leur couverture et leur consacre un article sous la plume de Sophie Van der Linden.

Issun Bôshi

Icinori

Actes Sud Junior

septembre 2013

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par une belle nuit d'hiver

Publié le par Za

Et si j'avais encore un peu envie d'hiver, moi ?

Envie de nuits frisquettes et silencieuses, de pas feutrés et de mystère...

par une belle nuit d'hiver

Par une belle nuit d'hiver est ce que j'apellerai un album d'impressions, sans histoire proprement dite, une ambiance, un sentiment éprouvé sur le moment et qui laisse une trace magnifique bien au-delà de l'instant fugace. Un tableau se dessine. Il sera offert le lendemain matin à l'enfant qui dort. Le texte de Jean E. Pendziwol est une déclaration d'amour à cet enfant, à la nature.

par une belle nuit d'hiver

Par une belle nuit d'hiver, donc. Presque déserte, sans bruit aucun pour troubler le sommeil. Le narrateur, en voix off raconte à l'enfant endormi ce qu'il ne peut pas voir : la neige qui commence à tomber, puis les arbres comme des personnages. Et aussi tout une vie qui débarque à pas menus dans l'obscurité enneigée.

par une belle nuit d'hiver

Chacun laisse sa trace furtive, la chouette, les lièvres et le renard, seule incursion de la couleur franche. C'est à croire que seule Isabelle Arsenault pouvait illustrer cet instant suspendu. Son trait traduit l'attente, le silence, mais aussi l'énergie que déploient les animaux à faire vivre cette nuit d'hiver. Les gris habitent l'histoire avec intensité, la remplissent avant de laisser la place au rouge fugace des pommes et des trognes des lièvres, au vert qui parfois s'égare.

La grâce.

C'est ça. 

J'aurai rarement employé ce terme, mais nous y sommes.

 

Par une belle nuit d'hiver

Jean E. Pendziwol & Isabelle Arsenault

Magnard Jeunesse

janvier 2014

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virginia wolf

Publié le par Za

virginia wolf

Deux oreilles dépassent du lit. Les deux oreilles pointues de Virginia, d'humeur de chien, d'humeur de loup. Rien ne va, tout lui est devenu odieux, ses amis, sa sœur, jusqu'au soleil qu'il faut bannir. D'abord désemparée, la sœur, Vanessa, va trouver du bout de ses pinceaux comment faire revenir Virginia parmi les humains. Ensembles, elles inventent Bloomsberry, terre de cocagne où les gâteaux poussent dans les arbres, au milieu d'une débauche de couleurs. Un jardin peuplé d'animaux, de fleurs, de balançoires, de quoi peupler l'esprit de Virginia et la conduire vers sa métamorphose.

virginia wolf

Voici un album comme un millefeuille, une gourmandise aux multiples lectures possibles. En premier lieu, l'histoire simple d'une fillette au mal être spectaculaire au point de la transformer en loup.

Isabelle Arsenault inscrit d'abord Virginia dans un univers aux teintes bleutées, grises, sourdes, derrière des volets tirés. La lumière est tout à coup imposée par un coquelicot, au cœur d'une double page éclatante de vie, mue par un mouvement ascendant. Un mouvement réaffirmé par la suite, jusque dans le texte.

J'ai peint une balançoire et une échelle aussi haute que le fenêtre, pour que ce qui était en bas puisse remonter. Ma sœur a commencé à m'observer.

virginia wolf

Puis c'est le jaune qui gagne avec le retour du sourire de Virginia, encore Wolf mais plus pour longtemps. Cette histoire est belle et joyeuse, couronnée par une fin heureuse, même si le bleu environnant la dernière image laisse à penser que le loup colérique pourrait revenir. Le dessin d'Isabelle Arsenault est extrêmement touchant, par sa sensibilité, par cette manière de rendre le végétal, l'animal, simplement, sans effet ni esbrouffe.

virginia wolf
Vanessa Bell / Virginia Woolf

Vanessa Bell / Virginia Woolf

Au deuxième étage du millefeuille se trouvent évidemment l'écrivaine Virginia Woolf  et  sa soeur Vanessa Bell, qui était peintre. Kyo Maclear extrapole sur ces deux personnalités infiniment originales et modernes et en fait les héroïnes de son histoire. Le trouble bipolaire de Virginia la fait hurler à la lune, Vanessa l'aidant momentanément grâce la peinture. Glisser de Woolf à Wolf était tentant, mais le plus savoureux à mon sens est la réinvention de Bloomsbury - nom du groupe d'intellectuels et d'artistes anglais initié par une partie de la famille de Virginia Woolf - baptisé ainsi d'après le nom de leur quartier de résidence à Londres. Bloomsbury devient Boomsberry, blooms-berry.

 

Si je volais, j'irais dans un endroit parfait. Un endroit plein de gâteaux glacés et de fleurs exquises et de formidables arbres à grimper et absolument aucun tracas.

"Où est cet endroit ?" ai-je demandé.

Elle a réfléchi un peu puis a dit : "A Bloomsberry, le pays des fleurs aux fruits."

virginia wolf

Parlera-t-on de Virginia Woolf et de sa soeur aux enfants qui découvriront cet album ? Peut-être et peu importe. Mais cette source d'inspiration peu commune fait le sel du livre. Chacun y trouve son compte et l'adulte doublement.

J'aimerais terminer par une mention particulière pour la traduction de Fanny Britt, l'auteur de Jane, le renard et moi, album également dessiné par Isabelle Arsenault et lui aussi parcouru d'une référence littéraire - mais j'y viendrai bientôt.

 

Virginia Wolf

Kyo Maclear & Isabelle Arsenault

traduction de Fanny Britt

éditions de la Pastèque, 2012

 

Edit du 13/03/14:

Je viens de trouver une interview d'Isabelle Arsenault sur cet album,

c'est par ici !

Virginia Woolf par Vanessa Bell

Virginia Woolf par Vanessa Bell

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tout blanc

Publié le par Za

Préparez-vous lecteurs adorés,

je vais vous parler de neige,

vous enduire d'hiver.

Si, si.

tout blanc

Le monde est devenu tout blanc. Plus de ligne entre ciel et terre, le lac gelé ressemble à un nuage, les nuages à un lac gelé.

Pourtant, il a bien ce point là-bas, ce point rouge qui rendrait curieux n'importe qui. Et on s'en approche, en imaginant ce que ça pourrait être. Ces quelques pages, presque abstraites sont d'une grande beauté, évocatrices du feutré, emplies du mouvement des flocons, tendues vers ce point rouge qui virevolte.

tout blanc

Ce n'est qu'au milieu de l'album que le visage se fait plus net, que le sourire apparait. Une petite fille toute de rouge vêtue patine sur le lac gelé. C'est l'histoire d'une rencontre simple qui se termine dans des couleurs chaudes de feu et d'amour. Je ne vous raconterai pas la fin, car c'est le cheminement qui m'a captivée. Qui est le narrateur ? Où le conduira sa curiosité ? Le texte de Marie- Sabine Roger est tout à la fois poétique, mystérieux, allusif. Il laisse entendre une petite voix fragile et perdue avant de clore l'histoire d'un happy end rassurant.

tout blanc

J'ai été complètement fascinée par les images de Sylvie Serprix, par ce blanc palpable qui vous entoure une fois le livre ouvert. On pourrait présenter chaque illustration séparément des autres, comme autant de tableaux, d'oeuvres indépendantes.

tout blanc

Certaines pages sont étranges, d'autres douces, tendres. Sylvie Serprix réussit à mettre le héros à distance jusqu'aux deux dernières images. On imagine le surnaturel, l'étrange, mais le blanc cède brutalement la place aux couleurs les plus chaudes qui soient, la vie fait une entrée fracassante.

 

 

Tout blanc

Marie-Sabine Roger & Sylvie Serprix

les Albums Casterman

octobre 2013

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le tigre de miel

Publié le par Za

Boum, quand votre cœur fait boum !

Votre cœur, vos yeux, votre cerveau, tout !

Voici ce qu'on pourrait appeler un albooom !

le tigre de miel

Le tigre de miel est un conte, totalement envoûtant, dont la lecture à haute voix, si elle est plus longue que d'habitude n'en est pas moins captivante et tient l'auditoire en haleine. Sans parler, évident des oh ! , waouw ! qui ponctuent le récit à chaque nouvelle double page.

le tigre de miel

Shonou vit dans le delta du Gange, suspendu entre l'eau et la terre, enfin la terre, c'est vite dit. Il vit sur un tchar, une île mouvante et éphémère constituée de détritus déposés par les fleuves. Sa famille subsiste grâce à la pêche et aussi à la récolte du miel sauvage. Ce miel dont Shonou est si friand... Mais pour que les abeilles acceptent de partager, il faut respecter des règles établies depuis la nuit des temps. Une année pourtant, les saisons sont bouleversées et la faim pousse Shonou à commettre l'impardonnable imprudence.

le tigre de miel

Le texte de Karthika Naïr (traduit par Dominique Vitalyos) met le conte à distance en le plaçant au coeur d'un dialogue entre un père et son fils, loin de l'Inde. Le père raconte une histoire de son pays, interrompu par l'enfant qui le relance de ses questions. Ce dispositif rend le récit très vivant et l'on frémit aux personnages surnaturels, à la vision de la déesse Bonbibi, à l'évocation de Celui-dont-on-tait-le-nom, le terrible Roi-Démon, Dakkhin-Rai. L'enfant héros ne sortira pas indemne de cette aventure et devra réparer les dommages qu'il a causés avant de pouvoir être pardonnné. Une fin qui a désarçonné les auditeurs. Et oui, on ne peut pas impunément exploiter la nature.

le tigre de miel

Les superbes illustrations de Joëlle Jolivet, foisonnantes, bollywoodiennes, spectaculaires, n'épargnent rien au lecteur, ni la chaleur, ni la lumière, ni l'eau omniprésente, les abeilles bourdonnantes, le regard terrible des dieux. 7 couleurs et tout est dit, le bleu-vert-émeraude de la mangrove, le jaune doré du miel, le violet sourd, et surtout le rose fluo pop qui vitamine le tout et explose de soleil implacable. Joëlle Jolivet a réalisé ces illustrations au pinceau mais elle conserve dans son trait la force de la linogravure qui fait habituellement sa signature. Si l'on ajoute la qualité de l'impression - 4 couleurs par pages, la qualité du papier - à la musique si particulière lorsqu'on tourne la page, vous admettrez que l'on puisse tomber en amour de ce livre.

 

Le tigre de miel

Karthika Naïr & Joëlle Jolivet

hélium / Actes Sud / Zubaan

octobre 2013

 

Sur cet album, vous pouvez aussi lire l'avis de Sophie Van der Linden,

le récit de Joëlle Jolivet sur son site.

Cet album inaugure une nouvelle catégorie cabaïesque, rare mais réfléchie, celle des albooms !

Cet album inaugure une nouvelle catégorie cabaïesque, rare mais réfléchie, celle des albooms !

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mon papa pirate

Publié le par Za

mon papa pirate

Mon papa pirate est une histoire d'amour filial, d'admiration d'un fils pour son père. Une histoire d'histoire aussi. Celle que raconte le père à l'enfant pour lui alléger les noirceurs de la vie. Le père pirate partage ses aventures à chacun des ses retours. Il s'attarde surtout à décrire son équipage. Et quel équipage ! Des durs, des vrais, des tatoués, aux noms évocateurs...

Il y avait : Le Tatoué, qui était en effet couvert de tatouages et ne disait jamais un mot.

Centime, le perroquet qui parlait pour lui.

Un dénommé Cigarillo, bon cuisinier, qui racontait des histoires de fantômes à vous donner la chair de poule.

Le Barbu qui, d'après la légende, portait déjà la barbe à sa naissance.

Riquiqui, qui avait la taille d'un enfant mais n'avait peur de rien...

mon papa pirate

Tout commence dont par un récit de piraterie dans la plus pure veine du genre. Et puis il y a l'inattendu, l'accident. Il faut rejoindre le père blessé et la mère ne prend pas le chemin des Caraïbes. C'est un train qui traverse l'Europe, depuis l'Italie jusqu'en Belgique. Et c'est là que le livre gagne toute son originalité, en jouant sur la fibre sociale, humaine.

mon papa pirate

On bascule alors dans une belle émotion où l'enfant trahi tranforme la déception qui pourrait être la sienne en un autre regard, une autre admiration. Par la même occasion, il cesse d'être tout à fait un enfant. Les farouches pirates ne le sont pas et qu'importe. Ils ont une autre fierté, celle des mineurs. La fin de l'histoire m'a tiré des larmes. Je vous la laisse, elle est belle et précieuse.

mon papa pirate

Vous l'aurez compris, le texte de Davide Cali est émouvant, extrêmement bien écrit, sans concessions. Il rend à ce père toute sa dignité, la noblesse de son métier. Parce que mineur n'était pas, n'est pas un métier comme les autres. Ceux qui l'exerçaient en tiraient une fierté particulière. Les mineurs, les métallos, autant de métiers très durs, ingrats auxquels les hommes sont farouchement attachés, autant qu'à leurs origines, qu'à leurs noms de famille aux consonnances étrangères - italiennes, polonaises, algériennes.

J'ai une admiration particulière pour le travail de Maurizio Quarello et c'est sur son nom que j'ai emprunté cet album. Son trait rend ici des atmosphères justes, le rêve de piraterie, le quotidien prosaïque, le ciel, le regards de ces hommes dignes. La palette des couleurs bascule brutalement des rouges flamboyants aux gris et bleus de la pluie et du carreau de la mine.

Une réussite absolue, littérairement, graphiquement, émotionellement.

 

Mon papa pirate

Davide Cali & Maurizio A.C. Quarello

Sarbacane, octobre 2013

Orriecho acerbo, pour l'édition originale

Voir ici l'avis de Sophie-Hérisson

 

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gipsy

Publié le par Za

Qu'est-ce que je me fiche de leur nid !!

Qu'est-ce que j'en ferais ?

gipsy

La pie a une sale réputation : voleuse, bruyante, agressive avec ses congénères.... Qui se soucierait de cet oiseau peu sympathique si ce n'est Manu, bienveillant petit bonhomme, tranquille et heureux, planté dans une famille un peu hors norme. Et Gipsy la pie rentre dans cette famille, la fait sienne. Elle fait sienne aussi le voyage. Pas besoin de nid, pas besoin d'entasser, de garder. Du coup, on n'a rien à défendre, si ce n'est l'essentiel, sa liberté.

Marie-France Chevron nous offre un texte émouvant et beau, une histoire d'amitié et de vent, où l'oiseau n'appartient pas à l'enfant, il l'accompagne, simplement. C'est un texte simple et fluide comme le vol de la pie.

Pourtant, je n'emporte rien avec moi que mes rêves et mes souvenirs. Je me nourris de ce que je trouve sur le chemin.

Je me nourris aussi de la liberté d'aller et venir où bon me semble.

On n'a pas besoin de plus pour vivre bien.

gipsy
gipsy

Et puis il y a le travail de Mathilde Magnan, qui insuffle une vie incroyable à cette pie ! Madame Magnan étant une aimable personne, elle a bien voulu répondre à quelques questions. C'te chance !

Quelle a été la genèse de cet album, ta rencontre avec le texte – magnifique - de Marie-France Chevron ?

Eh bien c'est un soir de mars (donc il n'y a même pas un an!) que j'ai reçu un mail de Marie-France me demandant si je cherchais toujours des textes à illustrer, j'ai dis que voui, surtout les siens, et hop voilà t'y pas que je reçois Gipsy dans ma boîte mail ! Le texte était quasiment ce qu'il est aujourd'hui, l'histoire m'a beaucoup plu et beaucoup touchée. Alors j'ai dit ouiouioui mais à condition qu'il y ait beaucoup beaucoup de pie et pas trop trop d'humains ….

Après le héron, la pie ! Je m’égare ou tu aurais un goût particulier pour les oiseaux…

Ah bon ? Ça se voit tant que ça ?? Plus sérieusement, j'aime effectivement beaucoup dessiner les oiseaux, mais beaucoup d'autres animaux ou insectes aussi !

Je ne saurais trop te conseiller, lecteur chéri, un petit tour sur le site de Mathilde Magnan, tu t'y régaleras de ses illustrations documentaires & nature, un vrai bonheur légumier, floral, insectifère, voire même champignonnier !

 

J’ai été frappée par la différence de traitement entre le dessin de la pie, vif, acéré, et celui des humains, en tout cas les adultes, plus indistincts, presque flous. Me trompe-je ?

Heuuu non, point du tout... Tu touches ici un point sensible, je me débrouille beaucoup mieux avec les bestioles qu'avec le genre humain d'une manière générale (sauf quand je me concentre furieusement et que je m'applique, comme pour la dernière double page par exemple). Mais outre le fait que j'ai plus de mal avec un corps humain qu'avec des centaines de plumes, c'était aussi voulu que le traitement de la pie soit différent du reste. C'est elle qui raconte, c'est elle qu'on suit et c'est par ses yeux que l'on rencontre cette famille et son histoire.

gipsy

Tu utilises ici une palette de couleurs peu commune dans la production d’albums jeunesse…

Ah … ! J'avoue que je ne connais pas non plus toutes les parutions en éditions jeunesse, mais les couleurs (et même si dans le Héron et l'Escargot il y en a beaucoup moins que dans Gipsy finalement), c'est un peu ma façon de présenter les choses, comme une marque de fabrique. J'ai appris assez vite (surtout dans les cours d'atelier BD que j'ai suivi à St Luc à Bruxelles pendant trois ans) à me l'approprier, plutôt qu'elle reste « l'obligée » de ce qu'elle colore. Je veux dire par là que très vite mes arbres n'ont plus été marron et vert, mon ciel bleu, mon soleil jaune et ma peau rose... J'aime jouer avec les couleurs, les contrastes, bidouiller mes palettes... Des fois je me surprend toute seule à mettre des couleurs que je n'aurais pas choisi d'entrée de jeu (les roses surtout …), faire qu'on lise et découvre l'image par d'autres « codes » que celui des couleurs « conventionnelles ».

 

Quelles sont les différentes étapes de la création d’une de ces images, les techniques utilisées ? Dans quelle mesure utilises-tu l’ordinateur ?

Hinhin, c'est un secret ! Enfin pas trop, vu que je l'explique lorsque je rencontre des classes, donc, bon, hein …

En gros, j'ai le dessin (taille réelle du livre voire plus grand, réalisé à la mine 0,3 d'un critérium – oui ça fait long pour les poils du chien – et au crayon gris 5B) d'un côté, et les fonds (lavis, pigments, café, thé, encres, terre...) de l'autre et je réunis les deux sur ordinateur. C'est donc un outil plus qu'une fin en soi, ça me permet de me tromper, de changer de fond, de couleurs, de taille... sans avoir à tout recommencer !

 

Comment se passe le travail avec l’éditeur, en l’occurrence Jean Poderos des éditions Courtes et Longues ? Y a-t-il eu des modifications dans le texte, les images ?

Déjà ça se passe bien ! Et c'est en soi le plus important... Sinon, il y a beaucoup d'échanges. Ici le texte a été un peu modifié mais pas beaucoup. Il a vu ça avec Marie-France, il me semble, une fois que les illustrations étaient terminées. Pour les images, je lui ai d'abord envoyé un chemin de fer de tout l'album avec des petites vignettes pour chaque planches. Nous en avons discuté pour être bien d'accord tous les deux sur le même chemin à suivre, et une fois que c'était ok, je lui envoyais les planches une par une. Il y a eu des fois quelques modifications à faire (notamment sur celles avec de l'humain dedans, on ne se refait pas …), et d'échanges en échanges on fini par mettre tous le monde d'accord. Jean Poderos est quelqu'un avec qui l'on peut discuter et argumenter sans qu'il y ait de malaise ou de malentendu.

 

Qui a décidé de la silhouette finale de l’album, notamment de l’intrusion du texte dans les images, des différentes tailles de lettres ?

Pour Gipsy, c'est Jean Poderos qui a fait appel à Sophie Dupriez pour la mise en page du texte, c'est elle qui a choisi ces différentes polices et ces choix de tailles de typo. C'est chouette de voir ce qu'une autre personne à en tête pour un projet sur lequel on planche depuis plusieurs mois. J'étais très curieuse du résultat - que j'ai vu avant parution bien sûr ! On en discuté aussi pas mal. Pour le Héron c'était moi qui avait aussi fait la mise en page du texte, mais c'est une bonne expérience d'apprendre à « lâcher son bébé » de temps en temps aussi !

gipsy

Qui sont tes modèles parmi les illustrateurs classiques, qui sont tes insurpassables ?

Huuum Quentin Blake, même s'il est aussi actuel (mais pour moi il fait partie de mon enfance), beaucoup d'illustrateurs Russes (mais je suis archi-nulle pour retenir les noms), comme par exemple celui de « Michka » (Rojankovsky). Eva Eriksson aussi, Babette Cole, Kazuo Iwamura (La Famille souris), tous ont bercé mon imaginaire d'enfant... Dans les plus vieux, je penche aussi sur Benjamin Rabier, Gustave Doré... Il y en sûrement d'autres (sans doute je m'en souviendrai cette nuit!)

Ah si, et Fmurr, Gotlib, Fred et cie … Merveilleuse époque plongée dans les Pilotes chez ma grand mère !

Et dans la production actuelle ?

J'aime beaucoup le trait et l'imaginaire de Gilles Bachelet, je suis fascinée par les images d'Antoine Guillopé, le noir et blanc est un domaine qui m'attire et qui m'effraie un peu aussi (mais ça chemine doucement), j'aime énormément Wolf Erlbrucht, Einar Turkowski (que j'ai découvert dans ton cabas*), Olivier Tallec, Pef (mon enfance montrepoilutesque), Isabelle Simler, Kris Di Giacomo, Pierre Déom (de la Hulotte)... j'en oublie des tas, la liste est sans fin !

*Je rougis légèrement.

© Pierre Déom - La Hulotte n°83

© Pierre Déom - La Hulotte n°83

Quel serait ton album idéal – existant ou encore à créer ?

Ouhla ! Là, je ne sais pas quoi répondre ! Je crois que je n'ai pas d'idéal d'album, le monde bouge et évolue dans tous les sens et tout le temps, et qu'heureusement il reste des tas d'albums idéaux à créer !

 

Merci Mathilde d'avoir pris le temps de rendre une petite visite au Cabas !

 

Gipsy

Marie-France Chevron & Mathilde Magnan

éditions Courtes et longues

février 2014

 

La librairie du Pouzadou se trouve au Vigan (Gard).

La librairie du Pouzadou se trouve au Vigan (Gard).

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font braire !

Publié le par Za

J'en parle ou pas ?

Forcément, j'en parle.

Je suis enseignante.

La littérature de jeunesse, c'est un peu mon fond de commerce. Je la lis, je la partage, je l'enseigne, je la blogge, au point que l'on s'étonne parfois de me voir lire des livres sans images...

Mais comme je suis en colère depuis des jours et que ça ne va pas en s'arrangeant, alors j'en parle.

Non pas que je pense une seconde que monsieur Coppé croit en sa tirade de l'autre soir sur l'album de Claire Franek et Marc Daniau. Il s'en fout de la littérature de jeunesse. Il y a juste qu'en ce moment, c'est vendeur de taper dessus. On engrange éventuellement des électeurs, pourvu qu'on ne soit pas trop regardant, certes. Pensez-vous un seul instant qu'il se serait soucié de Tous à poil, si nous n'avions été aussi proches d'échéances électorales ? Au pire, il est ridicule.

Mais la vague sur laquelle il surfe est nettement plus inquiétante. Elle n'est pas nouvelle. Elle est juste décomplexée - c'est le mot, non ? Elle tape sur l'école laïque et publique parce qu'elle la hait. Depuis toujours. Elle la hait pour ce qu'elle représente : la Liberté, l’Égalité, la Fraternité.

Je suis à l'occasion frappée de l'union sacrée des religieux de tout poil, pour une fois main dans la main, les yeux fixés sur un horizon commun, avant de se refoutre sur la tronche prochainement, n'en doutons pas. Mais je m'égare.

Je suis profondément excédée de la mauvaise foi galopante, de l'ignorance assumée qui consiste à confondre des ouvrages de littérature, librement choisis par des enseignants, et des manuels de classe, librement choisis eux aussi, d'ailleurs. Comme si nous n'avions à notre disposition qu'un seul manuel et un seul album dans lequel, bonté divine, c'est vraiment pas de bol, on trouverait des zizis. Comme si nous n'étions pas formés, informés, dotés d'un cerveau, pire : d'une conscience professionnelle.

On apprend à cette occasion, et c'est une très bonne nouvelle, que la littérature de jeunesse dérange. Mais elle a toujours dérangé. Nos joyeux censeurs ont-ils relu récemment Zazie dans le métroL'ont-ils jamais lue, d'ailleurs ? Nos amusants pourfendeurs de la perversion des âmes innocentes ont-ils récemment relu La guerre des boutons ? L'ont-ils jamais lue, d'ailleurs ?

Je pense à Maurice Sendak, notre père à tous, homme libre s'il en fut. Dois-je rappeler ici qu'à sa publication en 1963, Max et les Maximonstres (Where The Wild Things Are) avait été jugé par certains néfaste à la jeunesse ? Que Cuisine de Nuit (In The Night Kitchen) s'était parfois vu censuré au motif que le personnage central y apparaissait nu ? Je vous laisse juge.

font braire !

J'ai une mauvaise nouvelle pour ces croisés moyenâgeux qui débarquent dans les bibliothèque afin d'en purger le fond de toute impureté libidineuse : les livres leur survivront.

Mais comme on dit par chez moi : font braire !

Alors je leur laisse leurs familles calibrées, leurs livres poussiéreux. Je leur laisse leurs dimanches à trimballer de la poussette sur les boulevards. Je leur laisse leurs certitudes, leur mépris de l'intelligence, de la création, de la beauté. Je défendrai toujours cette imagination, ce fourmillement créatif qui offre le meilleur à nos enfants, qui leur offre l'Art, la vie, l'audace avant qu'ils ne deviennent des électeurs à draguer. Je défendrai toujours le rire, la dérision, ce recul qui en feront peut-être, sait-on jamais, des citoyens éclairés.

Font braire !

Publié dans sans commentaire

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il était une fois

Publié le par Za

il était une fois

Attention : bijou !

Petit trésor de 14,5 x 18,5. Dos toilé, beau papier.

Page de gauche, quelques mots susurrés. Trois lignes fragiles et discrètes, blanches sur fond de couleur.

Page de droite, rondes comme une noix, une pomme, un caillou, douces et profondes comme l'eau et les larmes, des images minutieuses posées avec une infinie délicatesse.

Et l'on se prendrait presque à retenir son souffle pour ne pas perturber le miraculeux équilibre qui règne ici.

il était une fois

C'est un recueil de poésie.

C'est un livre de devinettes.

La rencontre entre Perrault, les frères Grimm, Andersen et le haïku, cette forme poétique japonaise à la fois avare de paroles et généreuse d'images, de sons. Les mots d'Agnès Domergue touchent juste, distillent le néssaire, ni trop, ni trop peu, et le conte apparait, réduit à l'absolu essentiel. Les illustrations de Cécile Hudrisier manient l'ellipse avec virtuosité.

il était une fois

Cet album jamais mièvre constitue une manière inédite de relire des histoires connues, d'en découvrir d'autres. Voici un grand petit livre absolument indispensable ! 

 

Il était une fois...

Contes en haïku

Agnès Domergue & Cécile Hudrisier

éditions Thierry Magnier, 2013

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My Brother's Book

Publié le par Za

"Kid books... Grown up books... That's just marketing. Books are books."

Maurice Sendak

"Kushner [ami proche de MS] m'a dit qu'il avait vu Sendak à la fin de sa vie; sa vue avait baissée, il était penché au-dessus de son bureau, le visage si près des dessins que son nez les touchait presque. Pour ses lecteurs dévoués, cette tendre proximité - cette intimité - sera peut-être l'aspect le plus émouvant du "Livre de mon frère". Les détails minutieux - comme si Sendak l'avait fait exprès - nous attirent toujours plus près, jusqu'à ce que nous touchions la page avec notre propre nez, comme un dernier baiser de bonne nuit."

Avi Steinberg, The New-Yorker, 12 mars 2013

 

Alors aujourd'hui, il sera question d'amour,

d'Amour,

d'amours.

My Brother's Book

J'ai ouvert ce blog bavard il y a quatre ans, j'espère y avoir posé l'envie d'ouvrir des albums qui donneraient l'envie d'en ouvrir d'autres... J'ai aujourd'hui ce livre près de moi, qui m'embarasse à force de ne savoir qu'en dire, d'en être intimidée.

Je n'ai pas lu Sendak lorsque j'étais enfant et j'envie ceux qui, s'étant éveillés aux images des monstres de Max, sont aujourd'hui devenus adultes et saluent le dessinateur une dernière fois avec ce livre singulier.

C'est un petit livre toilé, revêtu d'une épaisse jaquette et c'est le dernier livre de Maurice Sendak. Une nuit d'hiver, deux frères sont séparés par l'apparition d'une nouvelle étoile qui fend la Terre en deux. Leurs chemins désormais séparés leur imposent des épreuves qui les conduiront à se retrouver, car il était dit qu'ils seraient inséparables.

My Brother's Book

Placé sous les auspices de Shakespeare et de William Blake, My Brother's Book est un poème graphique d'une grande beauté. Et bien qu'on reconnaisse immédiatement la patte de Maurice Sendak, on peut être étonné du trait, confondu avec l'aquarelle. Cette ode au frère disparu - Jack Sendack est mort en 1995 - est empreinte d'une émotion palpable, bouleversante. On y lit aussi l'adieu de Maurice Sendack à Eugene Glynn, son compagnon pendant cinquante ans, décédé en 2007.

Malgré tout, My Brother's Book n'est pas un livre triste, mais il est baigné d'une mélancolie profonde, du regret de l'âge d'or, de l'amour absolu.

 

My Brother's Book

Maurice Sendak

Michael di Capua Books

HaperCollins Publishers, 2013

My Brother's Book
10 best illustrated Children's books (2013)

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